Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Cinquante ans, c’est court pour juger du destin d’un continent dont l’indépendance a été en réalité bien plus courte que cela. «Y a-t-il vraiment quoi que ce soit à commémorer, ou faut-il au contraire tout reprendre?» se demande l’intellectuel camerounais Achille Mbembe à propos du cinquantenaire des indépendances africaines.


Gustav Klimt, Le théâtre de Taormina
Gustav Klimt, Le théâtre de Taormina


La question a le mérite de la franchise. Économiquement, humainement, ce demi-siècle s’est révélé un échec d’autant plus cuisant qu’il fut jalonné de «décennies du développement» et autres «objectifs du millénaire» dont la seule existence rappelait la vanité ou l’hypocrisie des efforts précédents. Il en est resté une littérature afro-dépressive qui remplirait une bibliothèque.
Mais, n’en déplaise à Achille Mbembe, on ne peut rembobiner le film. «Tout reprendre» est un slogan, il faut faire avec l’existant. À commencer par une population qui a franchi la barre du milliard d’habitants en 2009. Une population jeune qui cherche du travail dans des villes surpeuplées, ou le salut dans l’exil. La diaspora africaine envoie plus d’argent sur le continent que toutes les entreprises privées des pays développés. Elle amène davantage que cela. Les Africains de l’extérieur – qui voyagent désormais bien au-delà des ex-métropoles belge, britannique ou française – se frottent avec d’autres cultures et deviennent moins patients face à la «politique du ventre]i». Le fossé entre les élites politiques corrompues qui s’accrochent au pouvoir et les forces vives qui se manifestent dans les arts, l’économie ou les médias est plus large que jamais. Suivant son issue, cet affrontement peut mener l’Afrique vers de nouveaux heurts sanglants, ou sur la voie d’un progrès choisi par les Africains eux-mêmes.
Cinquante ans, c’est court pour juger du destin d’un continent dont l’indépendance a été en réalité bien plus courte que cela, et demeure très relative. La «Frani[çafrique» agonisante remue encore, les circuits économiques ne sont pas devenus beaucoup plus équitables.
L’événement déterminant de ces dernières années a été l’arrivée en force de la Chine, de l’Inde, des pays du Moyen-Orient et du Brésil. Les Africains ont à nouveau le choix de leurs partenaires, mieux qu’au temps de la Guerre froide. Les pessimistes disent que la corruption s’en trouve accrue. À quoi les Africains rétorquent que le temps des leçons de morale est révolu.
La décolonisation économique reste encore largement à faire. Celle des esprits est plus avancée qu’on ne l’imagine – pour le pire et, peut-être, le meilleur.///////Jean-Claude Péclet


Silence


Rédigé par psa le 28/04/2010 à 01:00