Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Vénus au miroir, Diego Velasquez
Vénus au miroir, Diego Velasquez
Je suis toujours surpris par la candeur analytique de certaines personnes face à des réalités qui nécessitent beaucoup plus de circonspections et de rigueur. Il nous est annoncé que le célèbre Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo -un respectable et vénérable intellectuel togolais actif du haut de ses presque 80 ans- vient de commettre un livre sur La question Nord-Sud au Togo. Oeuvre utile sans doute, que je tenterai de lire pour me faire une exacte idée. Mais déjà –car il y a un déjà qui me fait réagir aussi vitement- déjà, je suis perplexe et même très perplexe du traitement conclusif de cet important sujet. Dans le passé, cette école de pensée politique a été assez peu innovante…
La thèse défendue par le livre semble être la démonstration, que la question Nord-Sud serait un vrai-faux problème, et que les seules divine et humaine volontés aideront à faire disparaître - je suppose au bon moment, lorsque la lumineuse démocratie apparaîtra soudainement sur la Terre de nos Aieux, tout naturellement lorsque cette race parfaite de Togolais actuellement dans l’opposition radicale, finira son évolution par la conquête du pouvoir après cette longue nuit de garde qui n’aura pas ébranlé la foi du soldat sentinelle et tout le tralala.
Je tiens cette affirmation de ma compréhension de l’article d’information publié par letogolais.com, dont la conclusion proclame fièrement que : « Oui! Nous avons encore la possibilité d’éviter que la plaie se transforme en gangrène. Il suffit que nous nous en donnions la volonté politique sincère et agissante». Si la chose était si facile, le Togo n’en serait pas là avec un tel degré de clivage. Et très peu font l’effort de prêcher par l’exemple sur ce terrain de l’antagonisme Nord-Sud, à commencer par l’auteur du livre lui-même. Son trop grand optimisme sur le sujet –comme celui de certains de mes amis d’ailleurs- l’a empêché d’éviter le piège dans lequel tombent toujours les gens du Sud. Ces Togolais du Sud, seuls, entre eux, proclament toujours que tout va bien et que tout ira bien, au point que M. Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo n’a pas cru fondamentalement incontournable de proposer la préface de son livre à une personne du Nord du Togo.
Donc un gars du Sud proclame que tout va bien dans sa propre analyse –encore que le livre aurait pu être un collectif faisant appel aux intellectuels du nord comme du Sud, mais ce n’est pas bien grave- et cette personne ne saisit pas l’occasion en donnant l’exemple du rapprochement en confiant la préface ou la postface à un autre togolais que sudiste. Quelle occasion manquée ! La symbolique est très importante et ceux et celles qui utilisent l’espace public doivent y veiller, à tous les coups. C’est une foi et une pratique de tout instant qu’il faut avoir, religieusement.
J’ai déjà entendu M. Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo dire de quelqu’un qu’il est des « Nôtres » car, sous-entendu clairement que le père de cette personne était celui-là qui aurait fait la lutte avec tel autre contre les imposteurs… Du vrai délire pour des gens qui heurtent toujours les autres ou parlent mal d’eux sans reconnaître la gravité de leurs propos ou de leurs gestes. Il faut que cela cesse !
J’ai déjà entendu un grand responsable du Nord du Togo dire qu’ils n’ont pas oublié et n’oublieront pas des propos suivants attribués à Léopold Gnininvi, l’actuel ministre d’État et chef de la CDPA togolaise ; propos du genre « Lorsque nous (du sud) aurons le pouvoir, même dans cent ans ils (du nord) ne le sentiront pas. Plus jamais ! ». Naturellement, ce gars du Nord du Togo qui se souvenait de ces propos, donnait là une occasion de ressentir leur conscience collective à ne plus se retrouver dans la situation malheureuse d’être considérés comme des « Sauvages du Togo» chez eux.
L’unité togolaise, celle qui transcende le clivage Nord-Sud ne se fera pas avec des analyses superficielles, faites seulement par les uns, les mêmes. C’est à la fois une analyse ouverte et une vigilance de toutes les occasions ainsi que des décisions, grandes, courageuses et souvent très petites, prises dans toutes les circonstances et qui pourront faire éviter des erreurs typiques aux sudistes, celles qui font par exemple, nommer un site Internet destiné à unir tous les Togolais seulement dans une langue du sud, comme dans miade-togo.com. Banal mais révélateur. On peut donc faire mieux !
Chacun peut bien avoir son opinion et son expérience sur la question Nord-Sud. Mais ceux qui s’inscrivent dans l’analyse pour nous ébaucher des solutions ont la responsabilité de faire dans la grande rigueur, et s’éloigner des faciles raccourcis associés aux héritages politiques ou même ceux de nature coloniale. Tout un effort, colossal et efficace, reste donc à faire sur ce plan ; les uns et les autres étant bien conscients des torts mutuels, physiques et psychiques, qu’ils se sont faits, plusieurs années durant, sous divers prétextes. En attendant, trouvons les moyens de lire la réflexion de Têtêvi Godwin Tété-Adjalogo dont, j’avoue, je ne suis pas un très grand admirateur des idées ; sauf respect pour sa personne et son itinéraire de vie.


Mot à Maux


Rédigé par psa le 18/08/2007 à 09:44