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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




En parlant simplement de l’Afrique et de sa diaspora, l’on ne peut nier le rôle important que les Africains de l’extérieur jouent dans le développement du continent. D’ailleurs les pays africains les plus performants de l’indice d’Ibrahim Mo cette année, indicateur de bonne gouvernance exclusif à l’Afrique, ces pays sont ceux qui possèdent une diaspora reconnue et intégrée : Maurice, Cap vert, Ghana, etc. On le sait, ce lien viscéral existe entre les gens et leur pays, entre deux êtres éloignés, entre deux particules aussi même dans le monde microscopique. C’est ce lien qui subsiste malgré la distance que l’on nomme l’intrication que l’université de Genève célèbre à partir cette semaine. Il y a de quoi! Même les hésitations d’Albert Einstein n’ont pas effacé cette réalité de l’intrication. En effet, la mécanique quantique est à l’honneur du 14e Colloque Wright qui se tient à l’Université de Genève du 15 au 19 novembre. Développée au début du XXe siècle, cette théorie physique qui décrit le monde microscopique des particules a fait entrer des concepts révolutionnaires dans la description de l’Univers. Si révolutionnaires qu’ils ont même troublé Albert Einstein lui-même.


Bohr et Einstein
Bohr et Einstein


Alain Aspect est l’un des orateurs du Colloque Wright 2010 à Genève, qui traitera de la physique quantique. En 1982, le physicien français a fait entrer l’intrication quantique, phénomène bizarre lié aux particules, dans le monde réel. Entretien de Anton Vos, pour Le Temps, avec l’un des intervenants du colloque, Alain Aspect, directeur de recherche CNRS et professeur à l’Institut d’optique et à l’École polytechnique en France.



En 1982, vous publiez une expérience qui met fin à une ancienne controverse entre les physiciens Albert Einstein et Niels Bohr. En d’autres termes, vous démontrez que le phénomène d’«intrication» prévu par la mécanique quantique est une réalité. De quoi s’agit-il?
Alain Aspect : Le concept d’intrication a été introduit par Einstein en 1935. Mais ce n’est qu’après les travaux du physicien nord-irlandais John Bell, en 1964-1965, que l’on a compris le caractère révolutionnaire de cette notion. L’intrication est caractérisée par la «non-localité». Deux objets intriqués (telles des particules de lumière, ou photons), aussi éloignés soient-ils, semblent pourtant toujours constituer un tout inséparable. Si l’on fait quelque chose au premier, cela affecte instantanément le second, même s’il se trouve à des kilomètres de là! Contrairement à Bohr, Einstein ne voulait pas remettre en cause la notion de localité, à savoir que deux objets éloignés dans l’espace-temps sont indépendants l’un de l’autre. L’intrication, qui ne répond pas à sa vision du monde, lui paraissait incompréhensible.


Vous avez donc démontré que cette bizarrerie n’existe pas seulement sur le papier, mais aussi dans le monde réel?
Quelques expériences ont eu lieu avant mais les résultats n’étaient pas concluants. Celles que nous avons réalisées avec des photons éloignés d’une douzaine de mètres ont marqué un saut tant par la précision des résultats que par le fait qu’elles étaient très proches de l’expérience idéale dont parlaient les théoriciens. Dans ce sens, on peut dire que nos travaux ont été les premiers à démontrer de manière irréfutable la réalité de la non-localité.

Vous donnez donc tort à Einstein, ce qui n’est pas fréquent…
On peut présenter les choses ainsi. Je préfère insister sur le fait que c’est lui qui a mis le doigt sur le caractère révolutionnaire du concept d’intrication.


Au cours de votre conférence de jeudi, vous allez évoquer l’ordinateur quantique. Un tel appareil existera-t-il un jour?
Personne ne peut répondre à la question, mais c’est un sujet qui fascine de nombreux physiciens. L’idée est la suivante. Contrairement au bit informatique classique, qui vaut 1 ou 0, un «qubit» (un bit quantique, par exemple la polarisation d’une particule de lumière, ou photon) peut prendre à la fois la valeur de 1 et de 0! Si l’on intrique deux qubits, nous avons quatre états de base possibles existant en même temps. Avec trois, nous en obtenons 8 et ainsi de suite. Donc si nous disposons de 10 qubits intriqués et que nous réalisons une opération élémentaire sur eux, ce sont en réalité 1024 (soit 2 à la puissance 10) paramètres qui changent en même temps. L’idée de l’ordinateur quantique, c’est donc celle du parallélisme massif. Cela dit, on parvient aujourd’hui à intriquer au maximum neuf ou dix qubits. Il en faudrait beaucoup plus, notamment pour compenser les erreurs inévitables. On est loin du compte.


À quoi servirait un ordinateur quantique?
Certains chercheurs imaginent déjà des algorithmes (des logiciels) qui fonctionneraient sur de telles machines. Le plus connu, celui de Peter Shor, permettrait de factoriser les très grands nombres. Le fait que cette opération soit très lente avec les ordinateurs classiques garantit la sécurité des codes de cryptage actuels sur Internet. Un ordinateur quantique les rendrait caduques. Remarquez qu’il existe déjà la parade: la cryptographie quantique, elle aussi basée sur l’intrication.


Vous travaillez actuellement sur le condensat Bose-Einstein. De quoi s’agit-il cette fois?
Lorsqu’en laboratoire on maîtrise avec précision les paramètres d’une particule, on ne la décrit plus comme étant un point placé à un endroit précis et doté d’une certaine vitesse, mais on lui associe une fonction d’onde quantique: la particule devient une onde. Et dans un condensat de Bose-Einstein (CBE), toutes les particules sont décrites par la même fonction d’onde. Cette dernière, qui n’existe a priori que dans le monde microscopique, devient macroscopique car les chercheurs parviennent à placer des millions, voire des milliards d’atomes dans un condensat. Pour cela, il faut réduire les mouvements de ces atomes au minimum, ce qui revient à ramener leur température proche du zéro absolu (–273,15° C). Résultat: les atomes d’un CBE sont tous cohérents, exactement comme le sont les photons d’un rayon laser, possédant tous la même longueur d’onde, la même direction, la même polarisation, etc.


À quoi pourraient servir ces atomes ultrafroids?
On parvient déjà à fabriquer des interféromètres qui fonctionnent avec des atomes ultrafroids et non avec de la lumière. Ces appareils sont très sensibles à tout changement de mouvement (accélération ou rotation) et pourraient servir à la navigation des avions par exemple. Ils seraient beaucoup plus précis que les dispositifs actuels. Ils pourraient également servir à la mesure des variations du champ de pesanteur terrestre et examiner ainsi le sous-sol, trouver du pétrole, des aquifères, des minerais, etc.






Ad Valorem


Rédigé par psa le 15/11/2010 à 09:00