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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




C’est ça la démocratie! Le tout ramassé en quelques tours de pouce et d’imagination, ramassé en un geste fort, irréversible et éthique. Ce n’est pas au peuple de se rendre docile et corvéable à merci. C’est au dirigeant principal de se rendre humain, actuel, simple, raisonnable et respectable. L’honneur et l’audace de la démocratie tardent trop au Togo. Davantage qu’au peuple togolais, c’est à Faure Gnassingbé d’incarner et de réaliser la démocratie au Togo, courageusement. Et, de nos jours, la démocratie se fait et peut se réaliser, en toutes circonstances, comme un « Tout-en-un », juste et honorable : un clic, un discours, une parole, un acte, une volonté, une décision politique.


Autant que Lionel Zinsou ce 20 mars 2016, Barack Obama faisait l’histoire en arrivant à La Habana.
Autant que Lionel Zinsou ce 20 mars 2016, Barack Obama faisait l’histoire en arrivant à La Habana.

Autant le défunt président Mathieu Kérékou avait été populaire en quittant le pouvoir, malgré toutes ses erreurs et toutes les tentations, autant l’homme le plus populaire qui commence à peine son ascension politique, aujourd’hui même, est Lionel Zinsou, le perdant des élections présidentielles du #Bénin2016. Lionel Zinsou conserve tous ses atouts, et encore plus de chance de revenir au pouvoir au Bénin, avec la plus grande marge de manœuvre que ne lui offrait sa venue, précipitée, sur la scène politique active du Bénin.

Le piège Boni Yayi, un cadeau empoisonné, ne s’est pas refermé sur Lionel Zinsou. En deux tweets de trente-cinq mots, dans la nuit même des élections, le jour même des élections pour nous qui sommes de l’autre côté de l’atlantique, le premier ministre Lionel Zinsou a incarné la démocratie 2.0 au Bénin, et dans toute sa modernité stratégique. En quelques secondes, Lionel Zinsou confirmait la dépêche de l’AFP. En réalité, Lionel Zinsou donnait sa décision au monde entier, en ces termes républicains sur son compte https://twitter.com/zinsouofficiel, le jour des dix ans d’anniversaire du réseau Twitter :
« ½ J'ai appelé Patrice Talon ce soir pour le féliciter de sa victoire et lui souhaiter bonne chance » @ZinsouOfficiel
« 2/2 Je m'exprimerai devant la presse pour remercier mes électeurs après l'annonce par la CENA des tendances provisoires » @ZinsouOfficiel


Choisi, dépêché et venu pour assurer le derrière ainsi que les arrières des deux mandats calamiteux de Boni Yayi, pourtant propulsé et imposé pour éteindre toutes les ambitions politiques légitimes dans le cercle immédiat de ce Boni Yayi et tout autour à travers la classe politique traditionnelle, Lionel Zinsou a porté haut et plus loin encore une telle mission, en gardant et en préservant son honneur propre. Même si, sans rire, le Parti du Renouveau Démocratique (PRD) de Me Adrien Houngbédji retourne casaque, boubou et veston pour dire qu’il n’aurait supporté Lionel Zinsou au premier tour que sous haute pression dont il promet révélation par ailleurs, lui qui prévoyait victoire éclatante à Lionel Zinsou.

Et patatras! On découvre que : « Ainsi, le PRD remercie son électorat pour avoir compris ce changement de cap entre les deux tours. Il rassure sur sa disponibilité à toujours accompagner le peuple dans la rupture avec le système en place. Les mesures sont en train d’être prises pour dénoncer publiquement les pressions subies par le parti au premier tour pour opérer son choix. Nous appelons donc le peuple béninois à la sérénité et au calme. Sincères félicitations du président Houngbédji à son ami le président Patrice Talon. » Tout ça, avec un curieux « Vive la rupture », pour sauver un poste de président de l’Assemblée nationale du Bénin! Pour un revirement politique, alors que les résultats officiels ne sont même pas donnés, c’en est tout un.


Zinsou-Talon
Zinsou-Talon
Devant la volonté de rupture du peuple béninois, une volonté incarnée par Patrice Talon et vingt-cinq autres candidats, dont Séba Ajavon, Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Koupaki, le loyal Lionel Zinsou s’est incliné. Un premier tour d’élection poussif le mettant en tête, mais en ballottage plutôt défavorable, un débat « Face à face… Moi, Président » laborieux révélant ses solutions très élaborées, mais superficielles et vitement pensées pour n’être qu’inadaptées, un deuxième tour volontariste, mais tout simplement tardif et désespéré. À l’impossible, nul ne doit être tenu; pas plus Lionel Zinsou que tout autre politicien de bonne volonté, et seulement de bonne foi à l’écoute du peuple.

Jamais la démocratie ne vieillit

Voilà que véritablement le miracle ne s’est pas produit. Du seul fait que Lionel Zinsou est le candidat de la continuité, le désigné successeur de Boni Yayi, un véritable rabat-démocratie dont plus personne ne veut au Bénin, indépendamment de la terminaison de ses deux mandats. C’est bien cela la rupture avec le système Boni Yayi. Lionel Zinsou a plus de chance de gagner comme Lionel Zinsou autonome, qu’un Lionel Zinsou désigné par un Boni Yayi pour une succession abracadabrante. Partie remise toutefois, dans un environnement politique où le gagnant, Patrice Talon, a bien annoncé son devoir démocratique et républicain de concentrer toutes ses forces sur un seul mandat de cinq ans. Pourquoi pas!

Parce que la démocratie ne vieillit jamais, elle a même le génie de se rajeunir avec le temps. À l’usage comme à l’usure, la démocratie reprend vie et toujours se rajeunit. Au combat de la démocratie, sans soutien autre que ventral et sans gîte politique solide, comme « Gavroche n'était tombé que pour se redresser » selon les termes mêmes du défenseur de l’amnistie des communards et précurseur du Grand Pardon, Victor Hugo, Lionel Zinsou à tout l’avenir, en reprise et en relève devant lui.


Comme Abraham Lincoln qui ne risqua la guerre civile que pour parfaire l’Union, en empêchant son extension sans avoir posé et réglé la question de l’émancipation des Noirs de l’esclavage pernicieux, c’est bien « à nous de vouloir qu'avec l’aide de Dieu, notre pays renaisse dans la liberté; à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la Terre » selon les mots de Lincoln lui-même à Gettysburg; Lionel Zinsou aussi n’a pas voulu que la démocratie tombe et s’éteigne avec lui, au Bénin, et par sa seule ambition égoïste qui détournerait la volonté populaire.

C’est malheureusement ce courage qui manque toujours à Faure Gnassingbé : oser la démocratie, oser la réconciliation au Togo, oser ne pas être que la continuité de son père sans en laver le nom, oser ne pas se complaire à être l’antithèse du Bénin, l’envers du Ghana, la négation du Burkina Faso. Oser un autre Togo, vrai et démocratique, choisir de ne pas souffrir à voir naître la démocratie au Togo et en jouir éternellement pas la suite. Toute démocratie a besoin de s’incarner en une personne, comme peut l’être toute avancée sociale, comme peut l’être la pénibilité de la tâche du premier geste de l’enfantement de la démocratie au Togo.

Là, à côté, dans le voisinage immédiat du Togo, quelque trente-cinq mots, en deux tweets successifs, la démocratie a été consolidée au Bénin. Ici, c’est la faute à personne, ni à l’opposition togolaise, ni à la France, c’est la faute à personne d’autre que Faure Gnassingbé si la démocratie réconciliatrice n’est toujours pas une réalité au Togo. Pour paraphraser le républicain en chef qu’est Victor Hugo, la démocratie au Togo est le plus puissant pas du genre humain que les Togolaises et les Togolais aussi attendent depuis l'avènement du christ... C’est tout dire de la place que tout faiseur de démocratie occupe dans la grande histoire des peuples.

Techniquement et politiquement, la démocratie est possible au Togo en un courageux tour de main. Avant qu’il ne soit trop tard, en politique comme en amour, il faut pouvoir dire prochainement : « J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé (ce pays). C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui ». Au Togo, comme dans toutes les familles enthousiastes, la démocratie a même un nom avant sa naissance tant attendue; ce nom est Réconciliation. La démocratie ne saurait donc être un accident au Togo, mais le fruit d’un courage politique non trompeur, immédiat et réparateur. La démocratie ne sera valable au Togo aussi que dépouillée de tours, de canulars et d’artifices.


Le Togo antithèse du Bénin?

Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 22/03/2016 à 01:00