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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Pendant une dizaine d’années, Faure Gnassingbé a eu un acharnement paisible à tromper ses compatriotes sur ses réelles intentions : ne pas procéder aux réformes démocratiques dans les délais raisonnables assignés par les circonstances particulières entourant des textes à haute valeur constitutionnelle. Sauf que le Togo n’a plus le temps d’attendre. Les Togolais ne sont plus d’humeur à toujours paraître comme les derniers de la classe démocratie : encadrés de l’extérieur par des pays démocratiques, harcelés de l’intérieur par des dirigeants qui veulent que leur opinion se transforme en Constitution.


Le Togo, cet absurdistan à démocratiser
Aujourd’hui, il y a un branle le bas tardif dans le camp Faure Gnassingbé. Le temps n’y est plus suspendu, et la panique y guette les uns et les autres. C’est connu : « celui qui ne fait rien est bien prêt de mal faire ». Et ne rien faire dix années durant, c’est véritablement mal faire, c’est-à-dire mal servir son Peuple. Le Togo ne peut pas se contenter d’être un perpétuel malchanceux, amoureux des accidents de parcours, et incapable de mettre en œuvre une politique consciente de démocratie, le plus souvent même, passant de désordres en catastrophes pour aboutir aux déceptions et aux répressions. Un tel abonnement aux mésaventures et aux déconvenues ne peut constituer la destinée de toute une Nation.

Il est donc triste de constater que le discours et les actes politiques qui fondent le Togo sont restés figés, pratiquement, et par faute de résultats probants tout le long des cinquante dernières années. Depuis janvier 1963, à cause d’une certaine idée rudimentaire de la politique, le Togo a davantage baigné dans l’indécence, la revanche, l’indolence et la méfiance, recommençant sans fin les mêmes conversations et les mêmes dialogues, sans jamais aboutir à des résultats autres que de fréquentes tromperies. Durant une si longue période, les nombreuses griffes, à chaque fois administrées de manière brusque, cavalière et arrogante à la démocratie, sont effectuées par les mêmes personnes : un pouvoir présidentiel de père en fils devenu un « piège sans fin », littéralement, une absurdité républicaine qui ne veut nullement entendre raison et se convertir au respect des citoyens et de leur soif de réformes politiques, d’élections crédibles et de démocratie authentique.

Sans avoir dûment respecté un seul de tous les accords conclus –même celui convenu avec le parti de l’allié de circonstance qu’est Gilchrist Olympio, il est avant tout surprenant que personne dans le camp présidentiel, n’ait trouvé rien à redire à ce reniement perpétuel de la parole donnée par un gouvernant, et pas n’importe lequel, un président de la République. Bien au contraire, les uns et les autres s’activent drôlement à ressusciter des réseaux ténébreux, des attitudes loufoques ainsi que des pratiques de « soutiens », de « motions », de « marches » et d’embrigadements forcés qui pourront influencer, travestir et justifier la gratification de Faure Gnassingbé d’un autre mandat supplémentaire de cinq ans. Un autre mandat pour quoi faire et espérer de plus? Nul ne nous le dit!

La fin du déshonneur : dix années d’applaudissement sur les joues des citoyens togolais
Et voilà que de partout, nous, Togolaises et Togolais, ne demandons rien de moins que la démocratie intégrale. Et voilà, puisque deux mandats présidentiels consécutifs sont passés, nous ne voulons rien de moins que l’alternance pour clore cette lutte obstinée d’un côté et silencieuse de l’autre. Une lutte invraisemblable où le bourreau lui-même, jamais satisfait, finit par se plaindre de ses victimes innocentes : « comment voulez-vous que je vous guillotine si vous ne vous tenez pas mieux que ça? Si vous ne restez pas moins agité et plus tranquille cinq autres années! ».

Justement, le Peuple togolais ne veut plus aller à l’échafaud pour un autre rituel sacrificiel qui relève d’une gestion naïvement taciturne et péremptoire à la fois; cinq autres années qui n’auront de raison d’être que l’indignité, l’insensibilité et l’insulte suprême à toute une Nation. Déjà, dix années durant, sans aucune délicatesse ni élégance, toute une clique s’est relayée en s’auto-congratulant et en s’applaudissant sur les joues des Togolais, espérant que leur rêve devienne réalité, persuadée même que leur simple opinion se transforme en conviction et si possible en Constitution. Dix années durant, et pour ne pas devoir identifier les cinquante ans derniers, sans aucune retenue ni gêne, l’habitude de la répression s’est installée, s’est développée, s’est enracinée au point d’accaparer des pans entiers du budget de l’État au détriment de tous les autres secteurs.

Le Togo, cet absurdistan à démocratiser
Le Togo ne peut continuer à être cet Absurdistan africain à cause d’une complaisance perpétuelle vis-à-vis d’une même flopée ne comptant que sur la répression plutôt que sur la raison et le respect de la parole politique donnée à plusieurs occasions. Héritier d’une tradition familiale, Faure Gnassingbé se contenterait difficilement d’un seul et autre mandat supplémentaire pour assouvir son avidité. Et, de toutes les façons, deux mandats présidentiels dans un système père-fils quinquagénaire, c’est largement suffisant!

Pour autant, tous les tenants de l’alternance le disent clairement et le répètent : l’alternance n’est nullement dirigée contre Faure Gnassingbé personnellement. C’est une alternance de grande valeur démocratique; une alternance ferme, mais une alternance dans laquelle de nombreux citoyens et regroupements seront encore les premiers à défendre et à œuvrer pour la paix sociale, la justice et le Grand Pardon. C’est d’ailleurs pour cette nouvelle étape dont le Togo a cruellement besoin que l’alternance doit se faire. Et c’est seulement en réalisant concrètement l’alternance que celle-ci se nuance et se transforme d’elle-même pour ne pas pécher contre la mesure et la méthode, toutes les deux indispensables à la réconciliation des Togolaises et des Togolais.

L’entrée en scène de Faure Gnassingbé est restée une conquête sans gloire électorale

Le constat et ainsi clair que Faure Gnassingbé est une parfaite illusion politique à laquelle le Togo ne peut s’accrocher autrement qu’en le remerciant, ici et maintenant. Au Togo, Faure Gnassingbé a fait autant du bon que du mauvais; mais force est de constater qu’il a fait mieux le mauvais que le bon en se détournant de son devoir inaliénable de réconciliation pour se concentrer sur une stratégie de confiscation du pouvoir, totalement incompatible avec l’histoire politique du Togo, la sienne propre et même les aspirations légitimes des Peuples africains aujourd’hui. Et, de toutes les façons, deux mandats présidentiels dans un système père-fils quinquagénaire, c’est largement suffisant!

Au Togo, à ce pays, chacun doit pourtant un peu plus de considération. L’entrée en scène de Faure Gnassingbé ces dix dernières années qui aurait pu être une apothéose de la réconciliation togolaise tant attendue se révèle être une excursion chimérique, une désillusion, incapable de sortir des sentiers de ce passé qui, naturellement, l’a fait aboutir aux mêmes fréquentations et aux mêmes habitudes que son père Gnassingbé Eyadema. Et alors, « autant en apporte le ventre », festina lente : « parce que nous avons tout le temps pour la démocratie, festinons lentement, jouissons calmement » se disaient-ils hier encore et en chœur autour de Faure Gnassingbé. Toute une déception collective!

C’est aussi connu que tous ces gens se disant collaborateurs, n’osent plus s’asseoir devant Faure Gnassingbé pour lui parler, lui répondre, le conseiller de quitter le pouvoir en respectant le désir suprême du Peuple qu’il a conquis sans aucune gloire électorale par ailleurs; lui dire en quoi ce choix de renonciation est meilleur à toute autre option. Pour tous ces obligés de Faure Gnassingbé, ne jamais oser s’asseoir et prendre le temps, rester debout les bras toujours croisés devant est devenu leur façon d’être à plat ventre. Mais une fois les talons tournés, ils se décrètent tous importants. Personnalités restées importantes et inutiles, denses et vides, tragiques et comiques, pour n’avoir jamais su convaincre par leur propre devoir professionnel aux côtés du chef de l’État togolais : cette nécessité de comprendre le Togo, d’être à l’écoute du pays et de le traduire avec persuasion à Faure Gnassingbé qui n’avait d’yeux que pour sa longévité présidentielle.

Véritablement, le Togo n’a pas le temps, et les Togolais n’ont plus le temps de paraître comme le dernier de la classe démocratie. Toutes leurs attentes ayant été systématiquement perverties par de si malins génies, il faudra bien un jour mettre fin à ce déshonneur permanent; mettre fin à tant d’années de confiscation du pouvoir républicain, engager le pays sur la voie de la démocratie respectable, même en faisant des pas d’apprenti sur cet inévitable chemin. Entendez-vous au moins le bruit de ces statues que les peuples déboulonnent? C’est bien le même glas qui résonne de partout au Togo également : l’alternance ou rien.


Silence


Rédigé par PSA le 04/12/2014 à 04:12



La politique est une tribune. La politique est une chaire où l’on parle haut et fort. On y parle haut et fort pour mieux se faire entendre des Peuples et des Nations. Pour ce Sommet historique de le Francophonie qui est aussi le Sommet de l’éveil des Peuples et de leur mûrissement démocratique –et nous nous comprenons bien, le Peuple du Togo a eu besoin de se faire entendre haut, fort et de partout.


Appel à la dignité togolaise

Au Togo, on parle beaucoup trop fort; on y parle trop Faure Gnassingbé : police, gendarmes et militaires dans les rues d’un pays où les forces de sécurité sont claniques depuis des lustres et possèdent la répression facile et sans ménagement. Une répression contre une marche populaire qui seulement aurait choisi l’Assemblée nationale ou le lieu qui en fait office, comme terminaison. Un prétexte pour un violent châtiment sur des citoyens qui osent demander des réformes qui leur étaient promises depuis 2005-2006, lorsqu’en une journée, et trois fois plutôt qu’une, la Constitution fut changée pour permettre au fils de succéder coûte que coûte au père. En prime, cinq cents morts selon un rapport des Nations unies, des dégâts collatéraux inacceptables hier et encore plus aujourd’hui pour une succession pourtant programmée et diligentée par une gente militaire.

À quelques semaines de 2015, l’année des élections présidentielles, quel que soit le point de chute des marches de protestation de l’opposition togolaise pour un retour aux termes et à l’esprit de la Constitution votée par le Peuple lors du référendum consensuel de 1992, la répression et l’intimidation tentent de toujours revenir au rendez-vous. Il s’est ainsi ouvert au Togo une hostilité par laquelle la Liberté est confisquée de nouveau, toujours embrigadée et mise en cage : l’opposition constamment réprimée dans la rue, tandis que le pouvoir y organise à souhait des marches de complaisance et sous une bannière froidement mensongère de « Touche pas à ma Constitution »… la Constitution que mon père avait pris soin de « toiletter » en sa propre faveur d’abord, et pour mon propre bénéfice ensuite. Touche-pas-à-ma-Constitution? À d’autres!

La démagogie est effectivement à son comble, car le vrai sujet est occulté par un chef d’État arrivé au pouvoir par un coup de force constitutionnel à la mort de son père Gnassingbé Eyadema, et après que celui-ci eut changé unilatéralement la Constitution. Pour Faure Gnassingbé, deux mandats présidentiels sont largement suffisants dans des conditions aussi troublantes de son accession au pouvoir. Mais le problème de Faure Gnassingbé est qu'il ressemble à sa propre caricature et il y met doublement du sien autant que de la mauvaise foi pour y parvenir, déclarant même être prêt à respecter une « Constitution tripatouillée », pour une rare fois qu’il s’autorise de parler publiquement et directement, haut et Faure, sachant que tous les citoyens et ayants cause sont à l’écoute.

Il est ainsi difficile au Peuple togolais de comprendre de nos jours, et dans un cadre républicain, qu’après cinquante années de règne d’une même famille, l’alternance politique pacifique soit encore considérée comme impossible au Togo. C’est pratiquement une aberration politique que Faure Gnassingbé continue à plaider une cause perdue d’avance dans un monde moderne, résolument tournée vers la démocratie : s’accorder deux mandats présidentiels gratuitement en refusant de faire toutes les réformes qu’il s’était engagé à opérer durant cette période de dix ans, et penser être éligible et qualifié à accomplir deux autres mandats supplémentaires de gré ou de force. Quatre mandats présidentiels consécutifs; et pourquoi pas cinq, six et même plus, tant qu’à y être. Triste illusion!

Appel à la dignité togolaise
La démagogie et l’excès de victoire sont à leur comble au Togo

Dans le paysage des États francophones de l’Afrique de l’Ouest, le Togo apparaît désormais comme un pays outrageusement abonné à la non-démocratie puisqu’entouré des références démocratiques que sont le Ghana et le Bénin. Au nord du Togo, le passage du Burkina Faso à la transition démocratique rend particulièrement audible et visible une telle aberration de cloisonnement despotique aussi dégradant que fragilisant. Le voile est surtout levé sur une situation persistante où la bonne volonté a souvent manqué dans les décisions politiques devant mener aux réformes constitutionnelles et institutionnelles satisfaisantes pour le saut démocratique du Togo.

Il n’est même plus nécessaire de se livrer à une grande démonstration pour prouver l’illégalité ainsi que l’illégitimité persistante du pouvoir présidentiel qui régente les citoyens togolais; un régime quinquagénaire qui ne tient qu’au seul moyen de la répression facile et du fait que tout un Peuple est ainsi tenu au cachot sous le regard détourné de tout le monde.

Aucune élection n’est crédible au Togo. Aucun résultat électoral des vingt dernières années n’est le reflet du choix de la majorité des citoyens. Sur ce plan, les dix dernières années de Gnassingbé Eyadema n’ont rien à envier aux dix « premières années » de Faure Gnassingbé, si tant est qu’un tel bail dynastique doive se poursuivre. Une structure de façade bien nommée, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est toujours supplantée par des contrats de gré à gré accordés par le gouvernement, le ministre de l’Administration territoriale notamment, à des mercenaires électoraux dénommés « experts » pour patenter des résultats fantaisistes et tout aussi injurieux à la dignité humaine. En disgrâce aujourd’hui, l’ancien ministre de l’Administration territoriale du Togo, maître d’œuvre des élections frauduleuses passées, est actuellement en prison pour, entre autres, prévenir qu’il ne soit moindrement tenté de révéler les méthodes infaillibles de confection des résultats électoraux.

Parce que la politique est une tribune, les citoyens du Togo saisissent l’opportunité du XVe Sommet de la Francophonie, à Dakar, pour faire résonner davantage leur détresse et surtout leur détermination à passer à une ère démocratique, de développement et de dignité dans la perspective des élections présidentielles prochaines de mars 2015. Majoritairement réunis ou offrant leur appui au nouveau regroupement d’action unitaire qu’est le « Combat pour l’Alternance Pacifique en 2015 », le CAP-2015, les citoyens togolais de l’intérieur et de la diaspora appellent les uns et les autres au soutien de leur cause démocratique qui arrive encore à un tournant décisif.

Faudra-t-il le rappeler, la lutte pour l’avènement de la démocratie au Togo n’est dirigée contre personne quoique sans aucune complaisance, et surtout pas contre Faure Gnassingbé et ses obligés actuels dont une partie de l’élite militaire. Le combat démocratique au Togo est avant tout une lutte pour la restauration d’un État de droit compatible avec les impératifs modernes du développement : l’équité, la reddition de compte et surtout l’enthousiasme que génèrent les changements salutaires en convoquant chaque citoyen à la construction d’une œuvre véritablement collective. Certes, au Togo, les clivages sont lourds, profonds, persistants et très douloureux. Mais les Peuples savent oublier, et leur résilience réparatrice les portent aussi souvent que possible vers le pardon, vers un « Grand Pardon » auquel d’ailleurs les Togolaises et les Togolais se sont préparés au fil des années et des expériences des autres Peuples… Pourvu que tous ces excès et abus, toutes ces violences et brutalités perpétrées sur d’innocentes populations en quête légitime d’un autre pays, cessent entièrement et cessent définitivement.

Il est temps que le cas Togo soit mieux compris et adéquatement adressé par toutes les bonnes volontés, et avec une saine obligation de résultats, par la grande famille francophone. Nous-mêmes citoyens du Togo, filles et fils d’un seul pays, enfants de toutes les régions, héritiers d’un si fragile espace, « Terre de nos aïeux » et havre d’accueil de nos amis, nous sommes pleinement conscients de la responsabilité historique qui est la nôtre de mettre fin à l’inacceptable que tente de perpétuer certains d’entre nous, avides de leurs seuls gains momentanés. Nos mains, celles de la démocratie, du développement et de la dignité commune leur restent encore ouvertes, néanmoins, malgré eux, pour bâtir un autre Togo.

C’est notre appel à la dignité togolaise partagée!
C’est notre appel pour des reformes politiques véritables en vue d’une alternance pacifique au Togo!

Diplomatie Publique


Rédigé par PSA le 01/12/2014 à 00:05



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