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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Silence au Peuple togolais? Impossible! Il y a une légèreté et même un suicide dans le duel engagé par le chef de l’État togolais avec son Peuple. En ce début d’année nouvelle, les mots du discours de circonstance de Faure Gnassingbé établissent clairement le constat, hélas, du refus d’une alternance pacifique au Togo. Ceci est Faure Gnassingbé livré tel quel, aux Togolaises et aux Togolais : peu fiable malgré toutes ses dernières promesses du changement démocratique par le biais de l’Assemblée nationale, et nulle part ailleurs. Malheureusement, une si vile inconstance et une telle lâcheté ne peuvent que lui garantir le déshonneur dans le combat ainsi engagé contre la volonté populaire réclamant l’avènement d’une démocratie véritable sur la « Terre de nos Aïeux ». Au changement, Citoyens!


Togo Nouveau
Togo Nouveau


Face aux mécontentements, la meilleure légitimation d’un État, le garant même de l’ordre social, demeure la capacité d’anticiper la volonté populaire et d’y répondre adéquatement en allant au-delà des espérances citoyennes. Faure Gnassingbé vient d’échouer ce test crucial en inventant encore une autre structure pour restreindre l’horizon d’un Peuple togolais extenué par cinquante années d’un système obsolète; surtout, faire diversion et s’acheter du temps; un temps qui pourtant joue en sa défaveur, face à la détermination ambiante et au désir de changement généralisé.

Après dix ans de règne immérité, dans son plus long discours face à la Nation togolaise, Faure Gnassingbé se démarque et se fait rebelle de la volonté populaire. Il s’isole ainsi de toutes les réformes demandées depuis 2004-2006, se retrouvant au coude à coude avec les conservateurs d’une autre époque, mais toujours de la même lignée. Les mêmes conservateurs qui défiaient leur Peuple ainsi que l’opinion africaine et internationale, il y a quelques semaines encore au Burkina Faso, en voulant faire un passage en force contre la volonté populaire.

Ceci est malheureusement Faure Gnassingbé, misant tout sur la force militaire et rien sur la raison; misant tout sur les astuces, récurrentes et légères, et trahissant toujours son manque de courage politique. Faure Gnassingbé va devoir affronter son Peuple. Et, comme le répète souvent un leader politique togolais : « la lâcheté ne garantit que le déshonneur ». Dans un duel avec le Peuple, il est plutôt rare que le déshonneur soit du côté des citoyens. Il est ainsi clair qu’en choisissant de combattre pour l’alternance politique, le Peuple togolais, du nord au sud et à travers sa diaspora, se donne la garantie que seule la lutte peut le libérer, lui assurer la paix définitive ainsi qu’un futur autre que la trajectoire prise par une cinquantaine d’années de confiscation d’un pouvoir républicain par un clan et ses obligés.


Faure s’en va-t’en guerre contre le Peuple togolais

Il est normal qu’après deux mandats présidentiels l’on demande à un chef d’État d’être bon et de montrer la preuve de sa qualification pour une si haute responsabilité publique, plutôt que de se croire chanceux et héritier naturel d’un pouvoir reçu de son père à la pointe de la répression. Parfois dans la vie, il vaut mieux être bon dans l’écoute des aspirations du Peuple et attentif au regard des besoins de ses concitoyens, plutôt que de se considérer comme le chanceux d’une famille, le chanceux d’un clan, le chanceux de s’être fait offrir la présidence de la République togolaise ou de l’avoir obtenue comme cadeau-surprise de son père et ne rien devoir démontrer, par la suite, à tout un Peuple.

La cuvée 2015 de Faure Gnassingbé ne semble donc pas être trop différente de celle de 2005. Douteux et généreux en promesses politiques à la suite du décès de son père, en 2005, Faure Gnassingbé est passé, progressivement, à de petits relâchements et renoncements avant une si grande lâcheté démocratique dévoilée par le refus des reformes pour n’en faire qu’à sa tête finalement en 2015.

Rien d’étonnant en réalité! Car, il est vrai que pendant dix ans, si Faure était doué dans son rôle, les Togolais l’auraient su, l’auraient vu et ils l’auraient ressenti bien avant son dernier discours et à travers ses actes quotidiens. Au regard de l’histoire du Togo, Faure Gnassingbé ne serait même pas resté deux mandats présidentiels de suite, s’il était moindrement outillé pour cette fonction. Stratégique pour son propre avenir, il n’en serait donc pas réduit à prendre un si long corridor de tromperie politique et à quémander un troisième mandat de force et de menace aujourd’hui.

Il est de l’essence même d’une République qu’un acteur politique qui se veut d’envergure s’affranchisse de sa généalogie et se laisse définir davantage par sa liberté d’action; ce n’est manifestement pas le cas pour Faure Gnassingbé resté tristement et uniquement le continuateur des œuvres de son père Gnassingbé Eyadema, après avoir illusionné de nombreuses personnes. C’est pourquoi nul ne semble être surpris, ni impressionné, par la foi bravache et prétentieuse, la menace belliciste et soldatesque, très explicite, d’un Faure Gnassingbé assiégé par le Peuple, aux abois et sur la défensive dorénavant au point de se transformer en un faucon va-t-en-guerre.

Autant dire que Faure Gnassingbé qui n’a jamais su être à la hauteur des attentes de ses concitoyens, va devoir tuer tous les Togolais pour garder un pouvoir qu’il n’a pas eu en héritage du Peuple –jamais élu régulièrement à deux occasions, il ne le sera pas plus en 2015. Comme le chef d’une bande organisée en groupes d’intérêts sectoriels, Faure Gnassingbé n’est définitivement plus convertible en aucun espoir pour le Peuple togolais, ni dans ses rares propos, ni dans ses décisions, encore moins dans les contre-feux qu’il tente d’allumer par la création de nombreuses institutions et autres pièges semant la zizanie dans les rangs de ses adversaires.

Dans tous les cas de figure, le Togo n’est plus un pays manichéen divisé entre les bons et les mauvais, entre le nord et le sud. Le poids de l’histoire, l’urgence d’un État de droit, le principe de la vérité des urnes, le devoir de transparence dans la gestion publique, la nécessité de réduire les inégalités socio-économiques s’imposent désormais pour entamer la reconquête d’une République confisquée ainsi que la régénération complète du Togo : un pays en attente du mieux depuis trop longtemps, et qui ne peut plus se permettre de rater le rendez-vous démocratique de 2015. Désormais, tout le pouvoir démocratique appartient au Peuple togolais, à tous ceux et celles qui adhèrent à cette option du renouveau et se sentent appelés à y concourir de partout.

Au changement démocratique, Citoyens! Seule, l’intensification de la lutte libèrera de ce mépris démocratique qui n’a que trop duré. Et, lorsque l’on n’aime pas une telle indignité récurrente, on dit clairement : Non! Ça suffit! Indubitablement, ce moment est arrivé.


Ad Valorem


Rédigé par PSA le 05/01/2015 à 00:00



Les Togolais auront véritablement le destin qu’ils auront mérité. Car, le peu que nous savons de ce déchainement d’outrage et d’ovation de boue à la veille des élections présidentielles, c’est à notre ignorance des motivations profondes que nous le devons. Jamais à la veille des élections présidentielles au Togo, les attaques n’ont été aussi nourries contre un adversaire, une personne aux lettres de créance régulières et particulièrement engagée, depuis longtemps, dans la lutte démocratique et pour un objectif aussi largement partagé par la population togolaise : l’alternance politique.


Ultima Verba… S’il n’en reste qu’un Togolais

Et alors, certains comme nous, avons à notre manière, la tentation de cet éternel homme de conviction, d’éthique et d’honneur, en face du devoir et de la nécessité de l’alternance démocratique pacifique au Togo. Certains comme nous, nous retrouvons bien dans ces propos si adaptés au Togo d’avant ces présidentielles 2015 : « Devant les trahisons et les têtes courbées, Je croiserai les bras, indigné, mais serein. Oui, tant qu'il sera là, qu'on cède ou qu'on persiste, sans chercher à savoir et sans considérer si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme, et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer. Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis ! Si même Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ; S'il en demeure dix, je serai le dixième ; Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là ! » C’est l’Ultima Verba d’Hugo pour les consciences togolaises, peu sereines, devant tout le tourbillon accusatoire pré-électoral ambiant.

L’alternance doit pourtant advenir au Togo, et c’est véritablement une nécessité et un devoir démocratique, largement partagé. C’est d’ailleurs ce que proclame Abdoulaye Bathily, très opportunément et sans équivoque aucune : « Il faut éviter de changer les Constitutions, surtout sur une base non consensuelle. Le syndrome burkinabè guette aujourd'hui plusieurs de ces pays ». Et il ajoute, comme pour éclairer davantage le cas togolais qui ne lui échappe pas : « Même là où la question de la Constitution ne se pose pas, parce que les pouvoirs ont depuis longtemps réglé la question, l'aspiration à l'alternance est une donnée qui ne doit pas être négligée. Quel que soit le niveau de réalisations d'un pouvoir, quels que soient ses succès économiques, il y aura toujours un désir de changement ».

Il était devenu impérieux de laisser d’abord parler les esprits sereins, extérieurs à la situation togolaise; ceux qui possèdent encore le recul nécessaire pour nous indiquer que le principe de deux mandats ne relève pas seulement des dispositions devant figurer dans une Constitution écrite et figée, sachant qu’une Constitution moderne n’est pas seulement limitée à sa partie rigide, mais davantage à la somme des pratiques légales et légitimes lui donnant vie, lui donnant une prise sur la réalité, lui conférant une durabilité impersonnelle, lui attribuant une Éthique républicaine. L’obligation de deux mandats maximum relève donc de l’Éthique républicaine qui est au-dessus des Constitutions et émane du désir de changement ancré dans l’humaine condition que partagent les Togolaises et les Togolais avec le monde entier.


Le Togo, un pays sans aucun passé ni antécédent?

Que tous ces esprits retors dédaignant leur Peuple cessent donc de « jeter l’opprobre à tout ce qu’on bénit » de partout : l’alternance démocratique pacifique. Que tous ces esprits rétrogrades de pure « abjection publique, lâches comme le reste », cessent de penser user de la ruse pour anéantir la Liberté et la dignité de tout un Peuple. Que tous ces « exécrables trompeurs » sans foi ni loi et avec tant d’erreurs politiques accumulées depuis 1993, cessent de ruer sur des choses si bas tombées pour n’être qu’infamie ultime.

Qu’a-t-il fait ce Togo pour mériter si bas de ses propres enfants? Nul n’en saura probablement jamais. C’est alors à regret que l’on est forcé de rappeler aux uns et aux autres l’évidence de ne pas personnaliser un débat si républicain et si éthique, avant même d’être constitutionnel. C’est un plaidoyer aussi vaste que la cause qui est en jeu, ici et maintenant. Et cette cause est aussi grandiose qu’il faut l’éloigner de toutes ces mains baladeuses peu innocentes. Comme dans toutes les causes républicaines, il y a lieu d’élaguer de toutes parts dans l’élaboration et dans toutes les formulations, « le particulier, le singulier, le spécial, le relatif, le modifiable, le contingent, l’accident, l’incident, l’aventure, la mésaventure, la rumeur, l’épisode, l’accroc, l’anecdote, l’évènement, le nom propre » et se borner à plaider la noblesse impersonnelle, ouverte et chaleureuse de la cause, seulement et uniquement.

Pour de nombreuses personnes, comme nous, le Togo demeure encore une République, même confisquée, même suppliciée, et surtout pas un pays-martyr, une Nation martyrisée par les mauvaises modifications des lois, les interprétations bancales qui font accroire qu’un mandat fini ne compte pas et remet à chaque fois le compteur à zéro éternellement (ridicule et désespérément pitoyable!), les agressions constantes à la Constitution au lieu de la restitution définitive de la Loi fondamentale de 1992.

Pour certains de ces trépassés, on dirait que le Togo n’a pas existé avant le profond désir d’alternance d’aujourd’hui. Le Togo, un pays sans passé, sans antécédent, sans souvenirs des cinquante dernières années, sans mémoire de février à avril 2005? Quand même!

Réformes, s’il vous plait! Réformes ou pas réformes, nous aviserons en temps et lieu, alors le Peuple togolais agira en conséquence. Mais ce qui est certain : l’alternance doit advenir au Togo en 2015. Et s’il doit en rester un seul Togolais, une seule Togolaise, pour proclamer cette alternance, que ce soit un valeureux citoyen, ressemblant peu à aucun de ces égoïstes poltrons politiques déchaînés et à l’attaque d’une République déjà affaiblie. Honte à ceux-là!

Malgré tout… Bonne et heureuse année 2015!




togo_ultima_verba.pdf Togo Ultima Verba.pdf  (352.95 Ko)

Silence


Rédigé par PSA le 01/01/2015 à 07:20



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