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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Au Togo également, l’histoire ne s’arrête pas : « le triomphe des démagogies restera toujours passager ». C’est la marque « Gnassingbé » qui est périmée au Togo et, avec cette désuétude, tout un système qui ne peut plus avoir sa place dans une Afrique désireuse de retrouver sa dignité, comme vient de le répéter encore Barack Obama. Aussi, les adeptes du changement démocratique doivent accepter de composer avec la réalité d’un pouvoir qui, n’ayant jamais été le choix des citoyens, ne possède malheureusement que les moyens de se maintenir par la force et la contrainte, sans aucune créativité réconciliatrice ni regard sur l’avenir. Face à cette réalité, seule la conviction dans la réunion des forces sous une bannière républicaine compte. Les démocrates togolais ne peuvent pas quitter une souffrance, celle de la désunion, sans l’avoir reconnue.


Fin du silence démocratique au Togo

Il est vrai que, désormais, la persistance de la fraude électorale et des résultats tronqués complètent la togolaise « Règle de trois », fatidique, aux côtés de l’existence d’un fou ou d’une sorcière dans chaque village. Nul n’a le droit de désespérer toutefois : l’immaculée démocratie est un impératif catégorique sur la « Terre de nos aïeux » comme partout ailleurs en cette Afrique en mouvement qui ne reculera guère devant tous les apprentis sorciers en bataille rangée contre les alternances politiques.

Constamment et avec abnégation, il faut remettre les choses sur pieds, la tête elle-même retournant à sa place sur les épaules, les yeux toujours rivés sur l’avenir avec détermination et sérénité afin de recoller les pièces vitales d’une société togolaise ébranlée par tant de malfaisance électorale et de cynisme politique. C’est bien l’audacieux Winston Churchill qui le disait : « Pour s'améliorer, il faut changer. Donc, pour être meilleur, il faut avoir changé souvent »; presque autant de fois que possible comme l’exige une situation togolaise désespérante en apparence.

Les adeptes du fantasme suicidaire de la confiscation éternelle du pouvoir ont néanmoins la grande faiblesse de ne pouvoir réussir à dissoudre le peuple togolais. Ils savent parfaitement que le dernier paganisme des élections reste davantage des « coups de fric » supplémentaires à tous les niveaux de la nomenklatura dirigeante; conseillers, journalistes et affairistes n’étant pas du reste. Tous, ils reconnaissent surtout qu’ils sont du mauvais côté de l’histoire et gagnent de mauvaises batailles, dans une guerre perdue d’avance contre la soif démocratique du peuple togolais tout entier.

Constamment et avec obstination, il y a lieu de remettre en exergue le fait que le système est en soi intenable et court inexorablement vers sa propre fin malgré les avantages qu’il offre à ses nombreux adeptes. Les faits ambiants au Togo et à ses frontières géographiques le prouvent à suffisance : seul le changement est permanent. Désormais, la marge de manœuvre est ainsi mince pour un régime qui n’a eu pour stratégie que de discréditer et de tromper ses adversaires, humilier constamment ceux qui pouvaient l’être, affamer tous ceux-là qui se montraient résistants, et en somme, faillir dans son devoir de réconciliation.

Hier Accra, aujourd’hui Addis : CAP-Démocratie

C’est aussi un devoir que de toujours rappeler que l’opposition togolaise n’est pas le problème du Togo; mais bien cette conviction dédaigneuse du pouvoir en place que seulement la volonté d’une camarilla, assujettie et insatiable, sera faite au Togo, la force répressive aidant. C’est le témoignage ultime d’une fragilité agissante chez les adeptes d’une option aussi inappropriée qu’indéfendable à terme, en plus de devenir la centrifugeuse avaleuse de tous les espoirs. Il faut donc prendre fait et cause pour la République si longtemps perdue au Togo. Il faut surtout sortir du rêve que les actions éparses viendront à bout d’un système nourri et engraissé par sa propre perversion et son insatiabilité. Le devoir du Togo renouvelle celui d’une action commune autour d’une seule réalité de l’alternance politique et socio-économique propre à l’avènement de la démocratie, autant sur le terrain que dans la diaspora togolaise. En s’associant à une seule et même perspective républicaine, personne ne perd et tout le monde y gagne.

CAP-2015 a fait la démonstration du devoir de convergence et celui d’un leadership clair dévolu au parti politique le plus porteur et le plus engagé dans l’alternance au Togo, l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC). Il n’y a aucun mal à continuer sous cette lancée et dépasser l’horizon 2015 pour s’inscrire dans la durée afin de mieux bâtir et parfaire l’avenir. Converger constamment dans les initiatives, pas seulement lorsque ses propres intérêts le demandent à la veille d’une élection particulière ou après; c’est là le leitmotiv pour atteindre des résultats durables et efficaces. C’est là le devoir de l’entêtement à vouloir l’alternance au Togo. Il n’y a véritablement aucun mal à se faire du bien en mettant le CAP, très clairement, sur la démocratie et éviter ainsi les éternels recommencements, les atermoiements, les allers-retours. Ce n’est qu’à travers la constance et la détermination que le changement naîtra au Togo. Une telle persévérance est encore démontrée par l’audace de dire les choses, nettement et avec conviction, par l’un des illustres Africains que reste Barack Obama.

Certes, le silence actuel de la démocratie au Togo en est une de qualité. La démocratie est un travail de force, particulièrement dans un environnement hostile comme le Togo. Le Togo a tellement fabriqué des esclaves d’une inacceptable situation dictatoriale que son chef d’État, jeune déserteur et indécis ennuyeux dans la gestion publique, est tellement de peu d’imagination pour ne compter que parmi les plus grandes déceptions politiques sur le continent africain. Et il ne s’agit pas d’être pour ou contre la personne de Faure Gnassingbé; il s’agit de mettre le doigt sur son incapacité notoire, dix années durant, à assumer le Togo autrement qu’à contre-courant de l’histoire.

Le onzième commandement togolais : « À tes concitoyens, tu pardonneras »

Faure Gnassingbé applaudissait-il dans la salle Mandela de l’Union Africaine à Addis, ce 28 juillet 2015 lorsqu’il entendait dire : « i[We’ve stood with them [two daughters] in that small cell on Robben Island where Mādibā showed the world that, no matter the nature of his physical confinement, he alone was the master of his fate. For us, for our children, Africa and its people teach us a powerful lesson -- that we must uphold the inherent dignity of every human being ]i»? Faure Gnassingbé est-il maître de son destin pour réellement assumer celui du Togo ainsi que la dignité de ses concitoyens?

Faure Gnassingbé applaudissait-il de fierté Barack Obama à la simple lecture de ce discours d’anthologie servi avec brio et humour à toutes les consciences africaines, qui l’applaudissaient et en riaient d’ailleurs ce 28 juillet 2015 à Addis-Abeba :
« i[Pour tout vous dire, je pense que je suis un très bon président. Je pense même que si je me représentais, je pouvais gagner les élections. (Rires et applaudissements.) Mais je sais aussi que je ne peux pas. Alors, je vais dire qu’il y a beaucoup de choses que je voudrais réaliser pour faire avancer l’Amérique. Mais la loi c’est la loi. (Applaudissements.) Nul n’est au-dessus de la loi. Pas même le président. (Applaudissements.) Et je vais être honnête avec vous –après avoir été président, j’ai bien hâte d’avoir une autre vie. (Rires.) Il n’y aura plus un tel déploiement de sécurité tout le temps autour de moi. (Rires.) Cela signifie que je peux aller marcher librement. Je peux passer du temps avec ma famille. Je peux trouver d'autres façons d’être utile à la société. Je peux visiter l'Afrique plus souvent. (Applaudissements.) Ce que je veux dire, vraiment, c’est que je ne comprends pas pourquoi les gens veulent rester si longtemps au pouvoir. (Rires.) Surtout quand ils ont beaucoup d'argent. (Rires et applaudissements.) […] Et parfois, vous entendrez des dirigeants africains dire : Eh bien, je suis la seule personne qui peut garantir l’unité du pays. (Rires.) Si cela est vrai, alors que ce leader reconnaisse qu’il n'a vraiment pas réussi à bâtir l’unité de son peuple. (Applaudissements.]i) »

Pour le Togo, c’est bien là où nous en sommes : la démocratie est la seule chose qui puisse garantir l’avenir du Togo et susciter l’enthousiasme du développement socio-économique de ses filles et de ses fils. Pour avoir échoué, on se demande même ce que fait encore Faure Gnassingbé à la gouverne du Togo. Le présent mandat de Faure Gnassingbé est véritablement un mandat de trop, un mandat de nouveau usurpé au peuple togolais et contre la dignité de tout le monde, la sienne propre également. C’est bien pour cela que le défi reste dans la non-dispersion des enthousiasmes, mais davantage dans la conjugaison des efforts pour le changement. Et sans hésitation : l’unité d’action autour du parti politique qui a parfaitement démontré, sans complaisance, sa soif assidue de l’alternance au Togo reste une option viable.

Le Togo n’a pas besoin de passer à travers une guerre ou un conflit armé pour que la démocratie advienne. Nous sommes témoins et entourés des cas les plus probables du changement démocratique en Afrique : le pacifico-volontariste au Benin, le militaro-révolutionnaire au Ghana, le populaire au Faso –le Bénin et le Ghana ouvertement salués d’ailleurs par le président Obama. Il est véritablement temps que ce long silence de la démocratie au Togo aboutisse à un réveil vigoureux sur le devoir de la dignité du peuple togolais à travers un magistral retournement de la honteuse situation qui prévaut au Togo. Et, qui de mieux que Barack Obama pour le dire encore plus fortement : « Regardez Nelson Mandela - Mādibā, comme George Washington, ont laissé un héritage durable non seulement en raison de ce qu'ils ont réalisé dans l’exercice de leur fonction, mais parce qu'ils étaient prêts à quitter le pouvoir et permettre une alternance pacifique ».

Sans équivoque ni complaisance, plus aucun chef d’État n’impressionne qui que ce soit en s’arcboutant au pouvoir, s’attachant sans fin au matérialisme distractif du pouvoir et ne pensant même pas à lui-même ou encore à son héritage politique. Les temps ont changé et changeront davantage : il faut donc permettre la démocratie réconciliatrice au Togo. Les citoyens du Togo, autant que tous les autres humains sauront écrire les termes de leur onzième commandement avec des institutions solides, respectables et respectées : « À tes concitoyens, tu pardonneras en démocratie ». Le Togo attend son tour et ses citoyens doivent sortir de leur silence, comme vient de le faire Barack Obama. Tout le Togo ne pourra que mieux se porter avec l’alternance démocratique.


Silence


Rédigé par psa le 29/07/2015 à 07:00



En dictature, le peuple tend à devenir un simple ornement figuratif, et il ne retrouve tous ses attributs ainsi que son rayonnement qu'avec la maturation de la démocratie. Il existe le peuple africain... Ils existent les peuples africains.


Le peuple est audible au fur et à mesure de la démocratie
Le peuple est audible au fur et à mesure de la démocratie

Marwane Ben Yahmed, directeur de publication de Jeune Afrique et fils de son père, se demande « Élections et Constitutions : le peuple, quel peuple ? » [Article publié le 21 juillet 2015]. Curieuse interrogation par temps de refus d'alternance démocratique.


Comme tout le monde, certains peuvent aussi avoir le droit de poser ce genre de questions : le peuple, quel peuple ? Que la réponse soit une tentative de négation qui aurait valeur de dissoudre le peuple, il y a problème qui justifie une claire et prompte mise au point. Dans une partie du continent africain, un proverbe dit : « La personne perdue de vue par les autres se voit elle-même ». Perdu de vue par certaines personnes, des politiques en mal de changement de constitution par les temps qui courent, le peuple n’est pas moins une réalité vivante, concrète et agissante dans son monde qui le transforme et se laisse transformer par les citoyens.

Le peuple, les citoyennes et citoyens, les populations agissantes, existent bel et bien, autant dans les dictatures, les démocratures que dans les démocraties. Et l’existence du peuple, sa force et sa légitimité, sa voix et sa majesté, son rôle et son influence, tout cela et plus encore, ce peuple existe solidement au fur et à mesure que prévaut la démocratie. En d’autres termes, en dictature le peuple tend à devenir un simple ornement figuratif, et il retrouve tous ses attributs ainsi que son rayonnement avec la maturation de la démocratie ou de son désir dans un espace territorial donné. Le peuple est même beaucoup plus palpable que la nation, une réalité beaucoup plus complexe et consensuelle.

Des exemples? En Suisse, le peuple existe davantage qu’en Corée du sud, au Sénégal plus qu’au Burundi, au Benin et au Ghana plus qu’au Togo et au Congo, en Afrique du Sud plus qu’en Centrafrique, etc. C’est bien ce qui ressort de l’illustration ci-après : mieux va la démocratie, visible et légitime est le peuple. Avant même les sondages, la démocratie donne ainsi un meilleur reflet du peuple et de son degré d’influence. C’est bien ce que nous devons tous comprendre pour ne pas semer la confusion dans les esprits. C’est bien ce que tous les « Sylvester Staline et John Lénine » de ce monde ont bien compris dans leur « Soviet Suprême », nouveau genre, en tentant trop souvent de manipuler la voix du peuple sans jamais y parvenir. Vigilance. Il est grand temps que la réalité du peuple soit aussi comprise en Afrique, sans équivoque aucune, et surtout par les Africains en devoir journalistique pour traduire leur continent aux autres terriens.


Mot à Maux


Rédigé par psa le 23/07/2015 à 21:00



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