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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Rester debout plutôt qu’à genoux : c’est le choix postélectoral des démocrates togolais pour mieux voir l’avenir de leur pays, pour rester maître de leur destin et repartir au combat pour l’alternance politique. Cette louable option correspond parfaitement au vote majoritaire des citoyens togolais, renouvelant leur désir de changement durant les élections présidentielles d’avril 2015. Non, ce n’est sûrement pas de frauder constamment et ouvertement les élections au Togo et toujours se montrer incapable de le gouverner adéquatement qui empêcheront la soif de démocratie des populations. L’alternance est incontournable au Togo et elle participe désormais de la réconciliation que Faure Gnassingbé a totalement manqué de réaliser.


Martin Luther King Jr
Martin Luther King Jr

« Vide ton esprit de toi-même et remplis-le de la dignité et du salut de ton peuple ». À ce précepte démocratique originel, Faure Gnassingbé a décidé de tourner le dos, depuis son entrée par effraction dans la vie politique togolaise en 2005. On se souvient bien, son prétexte était alors de réconcilier les Togolaises et les Togolais après les excès dictatoriaux de son père quarante années auparavant. Et depuis, que d’illusions et de désillusions, que d’incapacités et d’incompétences. N’ayant jamais été le choix légitime des citoyens, Faure Gnassingbé finit toujours, et systématiquement, par imposer des résultats électoraux truqués et préfabriqués à une population déjà écrasée par l’injustice et l’indignité, une population sinistrée voulant coûte que coûte sortir de la désolation et de la répression.

La nature du brigandage électoral au Togo est connue de tous. Cette fois-ci, en 2015, la fraude électorale permanente est sortie des simples légendes; elle a ainsi trouvé corps dans un rapport documenté par la classe politique républicaine togolaise elle-même. Des révélations détaillées y sont ainsi exposées, au grand jour avec des preuves patiemment rassemblées, par les partis politiques spoliés de leur victoire. C’est un tournant et non le moindre dans la lutte démocratique au Togo que la publication de ce Mémorandum. Certes, le Mémorandum n’installe pas les véritables gagnants des élections présidentielles au pouvoir au Togo, mais ce regroupement de partis politiques républicains, le CAP 2015, rétablit les faits d’une élection présidentielle bidouillée, et dépouillée autant de la légalité que de toute légitimité; le Mémorandum le dit si bien d’ailleurs :
« Dans un pays normal où la Constitution et les lois sont respectées, dans un pays normal où les institutions fonctionnent régulièrement, un scrutin tel que celui du 25 avril 2015 aurait été au moins invalidé et repris, à défaut de désigner clairement comme vainqueur, le candidat de la coalition CAP 2015, M. Jean Pierre FABRE ».

Le Togo n’est pas un pays normal; il est même un pays absurde, un Absurdistan dans lequel son chef d’État ne parle pratiquement jamais à ses concitoyens et ne leur est redevable aucunement. C’est connu : que le peuple togolais ait élu réellement une personne autre que Faure Gnassingbé, n’empêchera guère la nomenklatura de continuer à régenter le Togo, asservir et endetter ses citoyens. L’enjeu reste toujours comment renouveler, constamment et efficacement, la réponse à apporter aux incongruités machiavéliques retardataires du Togo. L’opinion fugitive que Faure Gnassingbé qui n’a jamais gagné des élections au Togo pourrait, à la troisième occasion et alors même qu’il lui était demandé de se limiter à deux mandats, devenir l’élu d’un peuple togolais assoiffé de changement est désormais prise aux pièges de ses propres contradictions.

La légitimité manque toujours au pouvoir togolais

Il n’existe donc aucune perfection dans le cambriolage constant des élections au Togo : le crime parfait n’existe pas, et surtout pas dans les fraudes électorales aussi grossièrement menées et imposées avec tant d’arrogance. Tout le Togo est donc essoufflé par la gouvernance mensongère faite de sinistres illusions institutionnalisées depuis plus d’un demi-siècle. Durant la dernière décennie, le tout s’est fossilisé en grossièreté et en outrage, en refus et en défiance du peuple togolais. « Qu’ils nous enlèvent du pouvoir, s’ils en ont la force et la capacité! » entend-on dire du côté du pouvoir togolais qui, ayant d’ailleurs épuisé toutes ses chances de dialogues, ne possède plus aucun respect des adversaires sinon souffler sur toutes les braises et attiser tous les feux de la division au Togo.

Il faut donc s’outiller pour priver le pouvoir présidentiel togolais de toute légitimité. C’est la conclusion fondamentale à laquelle conduit le Mémorandum du CAP 2015, et c’est bien la posture de l’opposition républicaine togolaise : assumer ses responsabilités courageusement. Toutes ces années de luttes démocratiques au Togo ont ainsi conduit l’opposition républicaine à cette conclusion ultime : agir désormais de manière stratégique afin de priver le pouvoir présidentiel togolais de toute légitimité, le sevrer littéralement d’interlocuteurs crédibles et le laisser tourner en rond et pourrir par ses propres actes toujours excessifs. La démocratie reste encore la seule signature valide, au bas du parchemin de légitimité de tout pouvoir. Pour l’instant, cette légitimation démocratique et populaire manque toujours au régime en place au Togo.

Certes, le pouvoir présidentiel togolais continuera à régenter le Togo, à endetter le pays jusqu’à sa décadence financière et surtout à humilier chaque citoyen montrant quelques senteurs et fragrances d’opposition. Mais ce pouvoir togolais qui n’a jamais été dans la légalité, et qui toujours a été en quête de légitimité auprès de l’opposition républicaine va devoir se contenter de la frange complaisante de l’opposition togolaise.

Il devient ainsi pertinent qu’une personne comme Jean-Pierre Fabre commence à jouer pleinement son rôle, quel que soit le rôle : élu du peuple spolié de sa victoire, chef de l’opposition républicaine, etc. Et ce rôle est à jouer aussi bien à l’intérieur du Togo qu’à l’extérieur de ses frontières. L’avenir du Togo ne peut donc que se définir dans la détermination à poursuivre activement et à atteindre absolument l’idéal républicain. C’est un choix qui force le respect devant la tentation de succomber aux faciles renoncements, aux coupables boycottages, et aux plurielles querelles et accusations des uns par les autres face à l’apprêté connue du combat pour l’alternance politique au Togo.

Des colosses armés qui ont tué tout espoir de réconciliation

Le renouvellement de l’opposition politique qui s’est courageusement opéré depuis la lassitude, la perdition et le naufrage de Gilchrist Olympio en 2010 est la preuve d’une tout autre détermination au Togo. Et, cette opposition républicaine qui a choisi de rester debout plutôt qu’en génuflexion constante devant l’inacceptable et l’injustifiable, mérite une grande considération et beaucoup de respect des adeptes du changement politique et de la dignité du peuple togolais dans sa quête de réconciliation.

Parfois, nous omettons de le dire publiquement : CAP 2015 et la direction de l’ANC forcent le respect, malgré leur imperfection multiple et surtout malgré la modestie de leurs moyens et l’étroitesse de la marge de manœuvre sur le terrain autant qu’en gestion de tous les intérêts en jeu. En seulement quelques années de séjour au Togo, Zoul le proscrit fondateur du Centre culturel Mytro Nunya, de son nom Sébastien Alzerecca, l’a compris et assume bien son adhésion au combat pour la dignité du peuple togolais : une adhésion noble, libre et sans équivoque à la dignité humaine, celle qui transcende toute partisanerie et nationalité en ce XXIe siècle :
« Nous dérangions. Ils ont voulu nous faire taire, et faire peur à tous ceux qui osent rester libres, et s’affirment publiquement contre l’immense gâchis provoqué tous les jours par les acteurs d’un système mafieux qui "dirigent" et pillent le pays aux mépris du peuple. Cette fébrilité qui a consisté à nous punir, en nous éloignant du terrain, montre combien ces colosses armés jusqu’aux dents craignent le pouvoir du peuple, et sa colère, qui peuvent s’abattre à tout moment avec une violence proportionnelle à celle subie tous les jours par des millions de femmes, d’enfants, d’hommes togolais dont le quotidien est un enfer...
Le feu, c’est eux qui l’attisent chaque jour qui passent, et l’orage approche
».

Davantage encore, la lutte pour la démocratie et l’alternance politique va se corser au Togo, et la diaspora possède un rôle important à y jouer. Il est aussi clair que le niveau d’endettement du Togo ne lui permet plus d’envisager de faire des élections municipales autofinancées encore moins tenir une seule des promesses sociales. Passées ces dernières élections présidentielles, le régime tentera tous les accommodements politiques pour faire financer autrement d’éventuelles élections municipales ainsi que les législatives de 2018. Pour y parvenir, ce récalcitrant pouvoir présidentiel togolais, à contretemps d’ailleurs de l’histoire, aura besoin d’un grain de légitimité à travers un minimum d’accord avec l’opposition républicaine. Et alors, on verra bien qui rira de cet énorme gâchis qui se perpétue au Togo, à chaque étape d’une si rude lutte démocratique et de tant d’occasions de réconciliation manquées.


Silence


Rédigé par psa le 17/08/2015 à 23:00



Un homme de gauche, anti Blair pur jus, émerge du Labour britannique. Antimonarchiste, favorable à l’intervention de l’État, mais partisan du maintien du royaume dans l’Union européenne, le député d’un quartier du nord de Londres, Jeremy Corbyn, domine la primaire du Parti travailliste. Rien n'est joué... La grande Bretagne retient son souffle toutefois devant la Corbynmania.


Jeremy Corbyn
Jeremy Corbyn


Personne n’aurait misé un penny sur Jeremy Corbyn, lorsque s’est ouverte, à la mi-juin, la primaire du Parti travailliste qui doit désigner le successeur d’Ed Miliband, démissionnaire au lendemain de son échec aux élections législatives du 7 mai. Les trois candidats considérés comme sérieux ne l’avaient aidé à obtenir in extremis les parrainages nécessaires que pour affaiblir leurs adversaires.

Presque deux mois plus tard, alors que le vote s’ouvre ce vendredi – il sera clos le 10 septembre –, Jeremy Corbyn, 66 ans, député du quartier londonien d’Islington depuis plus de trente ans, considéré comme un dinosaure gauchiste par l’establishment du Labour, fait la course en tête. Mardi, un sondage YouGov lui attribuait 53% des voix, 32 points de plus qu’à Andy Burnham, un proche d’Ed Miliband, et 35 points de plus qu’à la candidate modérée Yvette Cooper. Quant à Liz Kendall, qui se réclame de l’héritage centriste de Tony Blair, elle plafonne à 8%. Nombre de militants travaillistes se sont sentis humiliés par la pique de l’ancien premier ministre, désormais très décrié: «Ceux dont le cœur penche pour Corbyn ont besoin d’une transplantation», avait ironisé Tony Blair.

Alors que l’échec du Labour aux législatives est généralement attribué à un positionnement trop à gauche, l’émergence de l’un des rares députés à s’affirmer «socialiste», dans un pays où ce mot équivaut à un chiffon rouge, est considérée comme suicidaire. La presse de gauche a d’ailleurs longtemps traité Jeremy Corbyn avec condescendance, attribuant sa popularité à la mode du vintage et au profond désarroi consécutif à l’échec électoral.

Mais l’affluence à ses meetings, le large soutien des instances locales du parti dont il bénéficie, et surtout son adoubement par les centrales syndicales Unison et Unite, qui financent la campagne du Labour, obligent désormais les médias à le prendre au sérieux.

Jeremy Corbyn est «Nous rejetons l’idée que le Labour doit se positionner au centre», a déclaré Dave Ward, jeudi 30 juillet, en apportant le soutien du syndicat des salariés de la communication, fort de 200 000 adhérents. «Nous rejetons l’idée que le Labour doit se positionner au centre», a-t-il ajouté, en réclamant un programme en faveur d’«une plus juste redistribution des richesses, des emplois et des salaires décents». Le refus de Harriet Harman, leader par intérim du parti, de condamner les coupes drastiques dans les prestations sociales décidées par le gouvernement Cameron a exacerbé les tensions internes.

« Notre mission constante dans le Parti travailliste est de lutter contre l'injustice partout où nous la trouvons. Cette idée m'a guidé tout le long de ma vie politique - et c’est avant tout ce qui m'avait poussé à me présenter comme député au Parlement britannique ».
« Notre mission constante dans le Parti travailliste est de lutter contre l'injustice partout où nous la trouvons. Cette idée m'a guidé tout le long de ma vie politique - et c’est avant tout ce qui m'avait poussé à me présenter comme député au Parlement britannique ».
Une Europe de justice sociale

Pour l’appareil du Labour, acquis au libéralisme économique débridé et au retrait de l’État, le profil de Jeremy Corbyn relève du non-sens. Assidu des piquets de grève, antimonarchiste, partisan de la renationalisation des chemins de fer, militant du désarmement nucléaire, de la solidarité avec la Palestine et du refus de la guerre en Irak, l’élu d’Islington passe son temps au parlement à s’opposer à la ligne de son propre parti.

Ascétique, végétarien, refusant de boire de l’alcool et de posséder une voiture, il est perçu comme la caricature des intellectuels de gauche du nord de Londres. De Karl Marx, il y a «beaucoup de choses à apprendre», a-t-il affirmé, faisant frissonner l’auditoire de la BBC. Certes, il est partisan du maintien dans l’Union européenne, mais «une meilleure Europe défendant la justice sociale et pas la finance».

Dénué de charisme mais fort de sa simplicité et de revendications claires qui font totalement défaut à ses concurrents, Jeremy Corbyn mobilise la jeunesse éreintée par la politique d’austérité du gouvernement Cameron, qui voit en lui le leader d’un Podemos ou d’une Syriza à la britannique. A ceux qui affirment qu’aucune victoire électorale n’est possible avec son programme, il répond que les Ecossais ont plébiscité le SNP (Parti national écossais), résolument positionné à gauche, et qu’en Angleterre même, 36% de l’électorat n’a pas voté. Il se fait fort de mobiliser les abstentionnistes avec un programme d’interventions étatiques destiné à «supprimer les pires vestiges de la pauvreté en Grande-Bretagne».

La réforme du mode d’élection du dirigeant, qui donne aux sympathisants le même pouvoir qu’aux adhérents ou aux syndicalistes, est favorable à l’outsider. Outre les 79 000 adhésions enregistrées depuis les élections, 145 000 personnes ont payé les 3 livres sterling nécessaires pour participer au vote, dont le résultat sera annoncé le 12 septembre. Cela équivaut à un doublement des effectifs, les nouveaux venus soutenant massivement Jeremy Corbyn.

Secouée, la direction du parti dénonce à la fois l’«entrisme» de groupes d’extrême gauche et les manœuvres d’électeurs de droite qui «votent Corbyn» pour tuer le Labour, comme le quotidien conservateur Daily Telegraph les y encourage.

Avec Jeremy Corbyn, «le danger est que le grand parti de gouvernement qu’est le Labour soit réduit à un simple groupe de pression», estime Tristram Hunt, ministre de l’Education du cabinet fantôme du Labour. Les adversaires du député rebelle évoquent avec fureur le précédent de Michael Foot, dont le programme très à gauche, ayant débouché sur le triomphe de Margaret Thatcher en 1983, est resté dans les annales comme «la plus longue lettre de suicide jamais écrite». Complexe, à plusieurs tours, le système électoral interne au Labour n’assure nullement la victoire finale de Jeremy Corbyn. Mais, quel qu’il soit, le prochain leader travailliste ne pourra pas ignorer son message radical. /////// Philippe Bernard

Horizon


Rédigé par psa le 13/08/2015 à 00:30



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