Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Nathalie Thouplet, 2008
Nathalie Thouplet, 2008
Bataille dans la guerre ufcéenne, on peut désormais dire: « Et de grand un pour Gil! »

En effet, de fréquentes batailles vont émailler la guerre familiale entre les deux clans rivaux de l’UFC, l’Union des forces du changement, sans contexte le grand parti politique de l’opposition au Togo. Depuis maintenant cinq mois, s’affrontent ouvertement à l’intérieur de l’UFC, les partisans de Gilchrist Olympio, nommément les Amis de Gilchrist (les AGO) et les fidèles de Jean-Pierre Fabre (les FIDO). La ligne de démarcation entre les deux est tout aussi grande que mince entre les deux camps, que les confrontations sont quasi quotidiennes, d’autant que la rupture n’était nullement préparée. Les uns et les autres se sont donc retrouvés adversaires du jour au lendemain sur des évènements assez anodins qui, en d’autres temps, n’auraient fait aucune vague. Preuve que la mutation même de l’environnement a forcé le changement des comportements politiques au Togo… Un autre sujet d’intérêt analytique.

À bien des égards, il y avait une victoire de fait à J-P Fabre et ses fidèles, les FIDO; leur occupation du terrain et l’adhésion populaire incontestable que draine leur position procurent cette satisfaction d’ordre démocratique. Une victoire de départ, non négligeable. Mais la première vraie bataille formelle vient d’arriver. Elle est d’autant plus importante qu’elle renferme plusieurs dimensions juridiques dont celle de l’appropriation de la dénomination UFC par l’un ou l’autre des deux camps adverses. Ultimement, c’est de cet enjeu dont il s’agit dans cette bataille de Congrès extraordinaire de l’UFC qui avait commencée plus tôt pour s’achever la semaine prochaine : spécialement le 10 août 2010 pour les FIDO à Jean-Pierre Fabre et les 11-12 août 2010 pour les AGO à Gil. Ainsi finira la première grande bataille avec la victoire attendue à Gil. Quant à J-P Fabre, il sait jusqu’à maintenant jouer équipe dans la nouvelle configuration de l’opposition togolaise; une telle logique devrait l’amener à l’audace de la refondation de ce groupe.

La victoire de Gil et de ses AGO sera d’un grand réconfort pour son égo et surtout pour le parti au pouvoir, le RPT. En réalité, c’est une victoire à la togolaise, en dehors de la réalité du terrain. La légalité du parti UFC est un coup de main de l’administration territoriale togolaise, sous la houlette de Pascal Bodjona. C’est cela la politique et, j’aime à l’ajouter, la petite et éphémère politique. C’est donc pratiquement avec nos amis du pouvoir, de Faure à Pascal, que Gil va s’en sortir en se protégeant des militants ufcéens de Lomé et de ses environs ainsi que de tous ceux qui sont des autres fédérations et ne partagent pas son alliance avec le parti présidentiel. C’est sous les réverbères de la télévision nationale togolaise, dans une messe quasi organisée par les officines du pouvoir et du RPT; c’est sous la grande arche du professeur de droit administratif Charles Debbasch, garde des sceaux constitutionnels du Togo que Gil va ravir la légalité de l’UFC à notre autre ami Jean-Pierre Fabre et ses FIDO. Bataille gagnée sans gloire aucune pour Gil, malheureusement. En somme, une véritable première de sa vie politique.

La bataille des Congrès qui aurait due être celle d’un seul et vrai congrès de la seule UFC, pour restée crédible, ne résoudra pas la crise politique dans le plus grand parti de l’opposition. Dans une grande illégitimité, Gil restera désormais redevable au RPT, tandis que la stratégie orchestrée par Pascal Bodjona ne changerait pas la réalité politique au Togo. Lorsque la légalité est illégitime, elle n’est plus de droit. Et personne ne s’y trompe, ni au Togo, ni dans les ambassades accréditées au Togo, ni les chancelleries autour du monde. Et c’est aussi dommage qu’une véritable stratégie politique –autre chose que le dol politique, ne soit pas encore conçue et mise en œuvre en vue de la réconciliation togolaise. Tout tarde au Togo.

La vraie bataille au Togo est celle de la vertu politique, celle de l’éthique; comme l’autre qui disait, il y a quelques siècles, que « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme », je serai tenté de dire que « Politique sans éthique n’est que peine perdue »… Aujourd’hui et désormais, Rabelais est Togolais, du moins jusqu’à nouvel ordre, jusqu’à une nouvelle satire politique dont lui seul a le code secret et la maitrise du temps. Encore une fois, la responsabilité de Faure Gnassingbé, la responsabilité d’un chef d’État togolais, c’est bien d’assumer le Togo avec une haute conscience éthique, bien au-delà des soubresauts passagers. Participer à l’effondrement manifeste de l’UFC ne donnera aucune voix électorale de plus à Faure. Cet épisode peut justifier des fraudes électorales futures… pas plus! Mais la vraie perspective politique, celle des voix gagnées avec assurance et reconnaissance, viendrait seulement à partir de la stratégie saine et non infectée de tromperie; une stratégie que Faure tarde trop à énoncer, à entreprendre, à risquer, pour son salut politique et celui de la renaissance du Togo.

Faure, Pascal, Gil et consorts s’apprêtent à sabler le champagne, certes. Mais le Togo reste toujours ensablé.

Horizon


Rédigé par psa le 06/08/2010 à 00:00