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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




S’il avait eu un fils, déclarait l’an dernier Barack Obama, il «ressemblerait à Trayvon» Martin, tué par un vigile volontaire en février 2012. Le dénouement du procès montre une Amérique comme certains ont oublié qu’elle est restée : incompréhensible.


Le procès Zimmerman, une radiographie de l’Amérique

La phrase du premier président noir des États-Unis avait touché. Un an plus tard, le meurtrier du jeune collégien afro-américain de 17 ans, George Zimmerman, de père blanc et de mère hispanique, a été acquitté en Floride. Sans contester la légitimité du verdict prononcé par un jury populaire composé étrangement de six femmes, dont cinq blanches et une hispanique, l’acquittement ne manque pourtant pas de soulever de nombreuses interrogations. Car le procès a été vécu davantage comme une radiographie de l’Amérique d’aujourd’hui que comme une procédure judiciaire.

Il a rappelé que la société post-raciale qui aurait vu le jour au lendemain de l’élection de Barack Obama était un mythe. Or on tend à se bercer d’illusions. Le racisme n’apparaît plus comme une raison socialement acceptable pour expliquer des pratiques discriminatoires. Le zèle avec lequel l’accusation a refusé d’aborder l’hypothèse de profilage racial de Trayvon Martin en est une illustration.

Un récent ouvrage, The New Jim Crow, en référence aux lois discriminatoires envers les Afro-Américains en vigueur jusque dans les années 1960, le souligne: l’Amérique a remplacé le système de castes par un contrôle massif des Noirs, par le biais du système judiciaire et carcéral. Alors qu’ils ne représentent que 12% de la population, 42% des condamnés à mort sont Afro-Américains.

Il n’est pas étonnant que l’acquittement de George Zimmerman soit vécu comme une nouvelle discrimination. Il s’ajoute à deux décisions de la Cour suprême qui déstabilisent la communauté noire: l’une affaiblissant le principe de discrimination positive à l’université et l’autre abrogeant une clause fondamentale de la loi sur le droit de vote de 1965, qui imposait à quelques Etats ayant pratiqué la ségrégation raciale de soumettre les modifications de leurs procédures de vote au contrôle de Washington.

L’autre enseignement majeur à tirer du verdict concerne la légitime défense. L’acquittement confirme le droit d’user de son arme à feu si l’on se sent menacé de mort ou dans son intégrité corporelle, un principe ancré dans une loi, «Stand Your Ground», appliquée en Floride ainsi que dans une vingtaine d’autres États. La notion reste vague, et l’Etat se fait le promoteur d’un comportement de cow-boy qui n’est pas digne d’une société démocratique moderne. Mais il consacre la toute-puissance de la National Rifle Association, le lobby des armes. ///////Stéphane Bussard


Mot à Maux


Rédigé par psa le 15/07/2013 à 00:01