Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Sur la Guinée, j’écrivais il y a quelques jours que « Finalement, dans un pays aussi tricoté serré comme la Guinée, le compromis demeure toujours possible, malgré les difficultés du moment. » Les faits tendent inexorablement vers ce nécessaire et salutaire compromis. Non seulement le défunt président a eu droit aux funérailles officielles assorties d’un « Pardon » général, mais aussi le chef de gouvernement sortant a fait allégeance à la junte qui l’a laissé vaquer à ses affaires et libre de ses mouvements, alors que des clameurs s’élèvent de partout –et pas seulement du président Abdoulaye Wade du Sénégal- pour saluer cette évolution comme un « moindre mal ». Louable consensus social pour une douche démocratique !


La Douche
La Douche
Au demeurant, aucune Constitution n’est respectée en Guinée. Les Coups d’État restent condamnables. Et les Africains n’ont besoin de nul autre pour le leur dire, eux qui ont fait l’expérience des Coups d’État depuis toujours. Les temps ont même tellement changé qu’oser emprunter la voie des coups de force pour accéder au pouvoir relève du grand aventurisme politique. Mais voilà qu’au moment même ou disparait Samuel Huntington, un des grands penseurs de la démocratie, l’auteur du fameux « Choc des civilisations» -dont les découpages simplistes restent tout à fait critiquables à mes yeux, nous nous devons de mettre de l’eau dans notre vin pour permettre l’avènement de la démocratie en Guinée. En fait, parfois cette démocratie nous déjoue pour emprunter des sentiers tortueux, interpellant même notre conscience de puretains... C’est tant mieux que nous ne devons rien prendre pour acquis. Mais le plus intéressant reste le contexte. En Guinée, le tissu social tricoté serré, c'est-à-dire bien intégré et encore respectueux des uns et des autres s’offre bien à cette tournure des choses à peu près consensuelle, sans règlement de compte aucun. Au contact de certains peuples africains, particulièrement dans leur milieu, j’ai été fasciné par ce naturel consensuel qui les parcourait, malgré la diversité de leurs composantes ethniques. Malgré ses difficultés d’entant, à travers cette expérience de coup d’État en cours, la Guinée récolte le fruit d’une certaine harmonie sociale dont le pays est porteur. Anciennement directeur Afrique à l’organisme canadien Droit et Démocratie, notre ami Akouétey Akakpo-Vidah est actuellement et curieusement en cette Guinée… L’idée me vient de penser qu’il saura analyser adéquatement cette extraordinaire expérience guinéenne pour la traduire dans son propre bilan, face à la contribution qui a été la sienne dans la gestion catastrophique qu’il avait le don de faire de la situation togolaise, seulement animé par un sentiment sournois, inefficace et peu raisonnable, politiquement. Et je m’en tiens là et là seulement devant une telle autre incompétence politique qui, heureusement, s’est effacée d’elle-même du portrait ! Oui, de telles expériences heureuses à travers l’Afrique mettent à nu l’échec politique du Togo dont les citoyens vivent un antagonisme dévastateur et insidieux, qu’ils ne sont plus capables de prendre des distances réparatrices et envisager sérieusement de se pardonner pour enfin passer à autre chose, au grand bien de leur pays et de leur propre ambition. Mais parler du Togo est une autre histoire. Mais j’entends déjà de ces voix simplificatrices qui bientôt publieront parallèles et similitudes inappropriés… Pour l’heure, de partout où nous sommes, demandons-nous simplement pourquoi un tel changement a pu s’amorcer malgré tout dans cette guinée pratiquement en déliquescence politique. Une de mes hypothèses est que le tissu social était moins déchiré en Guinée que dans une société hétéroclite d’Akodjokpli comme celle du Togo. Dire que le meneur du Coup d’État appartenait pourtant au cercle relativement proche du président défunt. Et pourtant la nécessité d’une autre Guinée l’a poussée à agir pour un bien supérieur : c’est de la pure éthique aristotélicienne en politique, celle qui doit nous donner jouissance. Ces pourtant amateurs et artisans putschistes de la nouvelle démocratie guinéenne méritent effectivement d’être soutenus et pardonnés… car au moins, ils savent ce qu’ils faisaient et pourquoi ils le faisaient! Au passage, saluons nos amis Ghanéens dont l’expérience démocratique commencée aussi dans la douleur se poursuit inexorablement et se concrétisera en beauté par les élections exemplaires de ce dernier dimanche de cette année de grâce 2008.

PS : Mon seul regret, parce que j’en ai, c’est de ne pas réussir à illustrer ce texte par l’œuvre fantastique dite « Annonciation, la vierge renversée » du grand photographe et artiste Anton Solomoukha d’après l’œuvre non blasphématoire de l’Annonciation de Caravaggio –nul autre que le réaliste Michelangelo Merisi lui-même. Je me contente de cette simple Douche pour terminer notre merveilleuse année qui pourtant aurait bien mérité cette majestueuse « Vierge renversée » devant symboliser cette démocratie qui parfois se présente à nous la tête en bas, carrément. Bon, La Douche restitue aussi cette beauté et cette simplicité transparente que j’aime dans l’art du nu… Et tant qu’à choisir, moi je préfère le nu féminin. Bonne année 2009 !
Un « Anton Solomoukha »  rassembleur pour faire la transition vers l’ère Obama.
Un « Anton Solomoukha » rassembleur pour faire la transition vers l’ère Obama.


Ad Valorem


Rédigé par psa le 27/12/2008 à 17:17