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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Le Togo d’aujourd’hui est le produit de son histoire. La politique s’y apprend encore dans la souffrance constante. L’insoutenable douleur de la courbe d‘apprentissage de la démocratie atteint, à chaque fois, un palier de désolation : jusqu’à l’Assemblée nationale les discussions sont refusées, dans les rues les manifestations réprimées, sur l’étendue du territoire la rentrée scolaire dans l’école publique est retardée pour cause de conférence sur la sécurité maritime, partout les célébrations culturelles sont obstinément perverties, etc. Vous aimez l’imposture et l’artifice, vous allez adorer le Togo, comme il ne va pas, un pays étroit où l’horizon politique semble toujours gelé.


Au Togo aussi, le dernier mot sera à la démocratie
Par tous les moyens, les dirigeants du Togo récusent l’idée de faire demi-tour vers les aspirations profondes de dignité des populations. Et pourtant, c’est la seule voie républicaine qui existe; la voie inévitable de la démocratie, de la dignité et du Grand Pardon. Le pouvoir… le pouvoir… ce n’est pas une raison pour refuser la démocratie aux populations africaines sans tomber dans le ridicule. Comme le Togo, le Gabon en fait d’ailleurs l’amère démonstration que la quête de dignité ne fatigue pas les peuples, malgré les raisonnements fallacieux que les chefs d’État africains développent entre eux à l’exemple des vertes analyses d’Ali Bongo Ondimba cette semaine.

Au Togo, l’énigme de la démocratie doit être résolue par des actes éthiques réconciliateurs et non par des ateliers, des répressions et des forfaitures usées. Trop d’injustices et de diversions se sont cristallisées au Togo. Dans de telles conditions, nul ne peut changer le Togo sans un sacrifice politique noble et altruiste. C’est ce que Kérékou avait réalisé sous les yeux d’Eyadema, et c’est ce qui se poursuit au Bénin démocratique à la différence du Togo resté autocratique. Le Togo qui languit ainsi, sous nos yeux, est une aberration qui nous reste toujours irrecevable. C’est bien pourquoi la Diaspora togolaise, surtout, doit accentuer de nouveau sa contribution et sortir des complaisances coupables et autres avenues d’indifférence à la souffrance des populations.


Le trio Démocratie-Réconciliation-Développement est urgent au Togo

Rien ne va au Togo sur la route des réformes prévues depuis août 2006. Dix ans, pour ne pas appliquer des réformes attendues dans l’Accord politique global (APG), et penser que cette série d’engagements, hautement nécessaires, disparaîtra par enchantement ou par caducité proclamée. C’est mal connaître un pays qui a tant besoin de Démocratie et de légitimité comme fondements républicains afin d’assumer sa Réconciliation et son Développement. Le triptyque Démocratie-Réconciliation-Développement devient urgent et drastique au Togo. C’est en ignorant royalement cette chaîne de valeurs républicaines à la togolaise que Faure Gnassingbé s’est montré incapable d’être à la hauteur du Togo moderne qui aurait pu le sauver définitivement.

Aussi, les fameux « Points de convergence par thème » du dernier « Atelier national de réflexion et d’échanges sur les réformes institutionnelles et politiques » ne font nullement l’affaire de la réalité politique togolaise. Ces points d’errements politiques correspondent, au mieux, à un mémoire de maîtrise universitaire. Encore que dans ce cas-là, le professeur, l’encadreur du mémoire, devrait être épinglé pour n’avoir justement pas donné l’encadrement nécessaire à l’éclosion de l’ambition véritable de son étudiant. À la lecture de ce document, il est facile de saisir une fois de plus le peu d’audace et le manque de courage de ses rédacteurs et inspirateurs qui se sont littéralement cachés sous le vocable « convergence » pour démontrer le caractère tendancieux de tout l’exercice.

On découvre encore comme trouvaille de cet exercice que si le Togo n’est pas démocratique c’est la faute à son opposition; textuellement : « L’absence d’un vrai leadership dans l’opposition tout comme celle d’un vrai projet de société alternatif, ont été identifiées également comme participant à la situation actuelle ». C’est une affirmation qui n’a aucune valeur factuelle sous tous les cieux : la défaillance possible des uns n’empêche pas la vertu politique des autres. De plus , quand on sait que la mission première que s’est toujours donnée le pouvoir présidentiel togolais c’est de déstabiliser l’opposition ou de s’en donner une de docile, on comprend alors et très facilement, le manque de rigueur ainsi que la complaisance fautive qui finissent par affaiblir certaines prétentions qui se croient investies de générer des solutions durables à la non-démocratie togolaise.

C’est le genre d’absurdité qui trahit la mauvaise foi qui dégouline partout dans la gouvernance du Togo et dans ses structures immatures et inauthentiques de récurrentes diversions politiques. Au Togo, c’est bien l’opposition qui toujours force, par ses modestes moyens et sa détermination, la trilogie Démocratie-Réconciliation-Développement, et c’est bien le pouvoir présidentiel togolais qui résiste à la réalisation de cet objectif républicain qui, sans aucun doute, lui fera perdre les leviers de la gouvernance pour ne lui offrir que la raison et l’honneur en échange. Ce qui n’est pas négligeable en soi, puisque l’on ne peut passer sa vie à détourner la volonté de dignité de toute une nation. Même avec la plus grande force de répression au monde, l’honneur vaut bien l’abandon du dol déliquescent et décadent comme il s’en fabrique dans une certaine classe politique gouvernant en Afrique.


La main gauche ne sait plus ce que fait la main droite au Togo

Le Togo comme il va, c’est donc le portrait d’une non-démocratie qui perdure et qu’il est difficile de cacher malgré toutes les tentatives de vouloir démontrer que le pouvoir y marche aisément sur des eaux tranquilles.

Au Togo aussi, le dernier mot sera à la démocratie
Cinquante ans d’un système clanique de répressions et de désinvoltures nées des fraudes électorales systématiques ne sauraient être un salut politique. Autant ne le sont les vingt-cinq ans de refus maladroit de la dignité des populations, d’affrontements politiques et de dialogues infructueux. Dix ans et plus d’une captation brutale du pouvoir par un fils à la suite du décès de son père, suivi par un APG jamais mis en œuvre honnêtement. Cinq ans bientôt pour des recommandations de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR), essentiellement galvaudées au profit de sa curieuse et très insolite « Recommandation 8 » proposant l’inutile réinvention de la démocratie par les Togolais eux-mêmes. Aussi intellectuels qu’ils puissent être, le résultat est plutôt lamentable pour la clique d’une nomenklatura dont la peur de perdre des avantages a toujours été la seule conseillère.

Le Togo comme il va, c’est un amoncellement de spéculations politiques. Avec un pouvoir présidentiel incapable de faire connaître clairement ses intentions; un pouvoir persuadé que le mutisme et la gouvernance à minima déstabiliseront ses adversaires, alors que le tout ne révèle que l’inhabilité politique et l’affairisme espiègle de toute une classe d’adowuinon non préparés à la gestion de la chose publique. Alors, on en arrive même à la spéculation organisée sur un hypothétique référendum constitutionnel : un OUI ou un NON dans un Togo déjà manichéen et si longtemps piégé par ses deux solitudes d’une nouvelle apparence : gouvernants et gouvernées, possédants et dépossédés, illégitimes et légitimes, spoliateurs et spoliés, autocrates et démocrates, etc.

En somme, un autre suicide politique programmé, en direct, à peine imaginable dans un pays où aucun fichier électoral n’est fiable pas plus que ne le sont les tenants du pouvoir eux-mêmes, ceux-là qui toujours proclament impunément, jour ou nuit, des faux résultats de toutes les consultations populaires. Et pourtant, le Togo a une Constitution légitime, adoptée par un référendum aux résultats indiscutés : une Constitution légitime qui a le droit d’exister malgré ses imperfections comme toutes les lois fondamentales en possèdent; une Constitution dont le retour est réclamé à cor et à cri. De pieds fermes, les Togolaises et les Togolais attendent ce fameux référendum…

Le Togo comme il va, c’est donc la rupture avec le bon sens, le déni de justice et des aspirations citoyennes, la méconnaissance des réalités démocratiques des pays voisins et du monde entier, particulièrement dans l’hémisphère qui sert de référence aux citoyens du pays. Le Togo, c’est surtout l’illusion de la force et de la répression face à une aspiration de dignité humaine aussi vieille que le monde : « L'aspiration démocratique n’est pas la dernière découverte de l'histoire humaine. C’est l'histoire humaine elle-même » (The democratic aspiration is no mere recent phase in human history. It is human history) rappelait encore un président américain, en janvier 1941, en plein cœur des atrocités de la Deuxième Guerre mondiale. Puisque le Togo ne se trouve pas en dehors de l’histoire humaine, l’espoir est de mise.

Au Togo, la problématique centrale de laquelle tout le reste dépend demeure donc la question politique sous tous ses aspects. Sur ce plan politique, les faits et gestes de Faure Gnassingbé sont très visibles : l’inaction, l’indolence, l’indifférence, l’insensibilité et la particulière insouciance du quotidien des citoyens. Une telle apathie fait que la personnalité même de Faure Gnassingbé dégage, trop souvent, une perceptible impréparation à assumer clairement le Togo comme il se doit, et à aboutir aux solutions courageuses propres à faire évoluer le pays vers le leadership de la réconciliation. La seule hypothèse de travail que privilégie Faure Gnassingbé est qu’il peut tromper tout le monde, tout le monde tout le temps, et s’éterniser au pouvoir par la terreur et une violence innommable, à la place d’une intelligence politique novatrice.

À ce niveau d’indécence politique, jamais la main gauche ne sait ce que fait la main droite de Faure Gnassingbé à la gouverne du Togo; et l’un ou l’autre de ces membres ne semble pas être au courant de ce que pense la tête du chef de l’État togolais ou encore, pourquoi ses deux pieds parcourent le monde entier en quête de légitimité, d’estime et d’extravagance même, sans véritablement s’arrêter devant les citoyens togolais et leur soif de dignité.

Jamais le mutisme politique n’aura atteint un degré d’incompréhension et d’improvisation aussi évocateur. Le jardin secret de Faure Gnassingbé doit probablement lui fournir un paradis d’évasion duquel il n’aime sortir qu’en cas d’absolue nécessité : propos désobligeants balancés depuis l’étranger, positionnement démocratique contradictoire systématique, remaniement ministériel énigmatique, puis nouvelle disparition des radars politiques jusqu’à la prochaine improvisation.


Sans sacrifice, Faure Gnassingbé peut-il démocratiser le Togo?

Désespérément, le Togo est maintenu hors de son nécessaire paradigme Démocratie-Réconciliation-Développement : « Beaucoup de bruit pour rien » aurait pu dire Shakespeare, comme déjà en 1600 « pendant que l’empereur Rodolphe faisait la guerre à son frère révolté », à son peuple en réalité. Comme on l’aurait dit dans le célèbre film québécois de « La guerre des tuques », aussi magistralement qu’humainement, « la guerre… la guerre… ce n’est pas une raison pour se faire mal! » si longtemps au Togo. Aussi, le Togo est devenu depuis trop longtemps une anomalie politique, « Un piège sans fin » aurait pu ajouter Olympe Bhêly-Quenum, une mise à jour quotidienne du logiciel de la diversion, un véritable Absurdistan, là où une vraie cantata se déroule ad nauseam.

L’amère injustice telle qu’elle prévaut encore au Togo est une injustice qui concerne toute conscience politique. Tout le monde peut libérer le Togo de sa situation persistante de non-démocratie avec le sacrifice magnanime adéquat. Faure Gnassingbé y compris? Il n’y est pas exclu en tout cas; mais la question reste posée. Car, le temps est toujours propice pour faire ce qui est juste, éthique, et paraphraser ainsi Martin Luther King dans son « The time is always right to do what is right ». Même si au Togo, l’on en est encore à proposer une mauvaise définition de l’éthique, celle qui ne dit rien sur les actes de sacrifices et se contente des règles de moralité : « L’éthique est l’ensemble des règles de la morale » proclame-t-on encore froidement au Togo, après des jours d’un « Atelier de réflexion » sans jamais vouloir motiver les insuccès de manière honnête et édifiante. À cette allure, l’éthique serait bientôt tout, absolument tout, et pourquoi pas l’ensemble des règles et pratiques politiques de la diversion et de l’invouloir au Togo, tout en ayant la Bible sur son bureau, le voile sur la tête et la population à ses pieds.

Comme ce Togo va si mal, on comprend alors pourquoi chaque Togolais, de l’intérieur ou de l’extérieur, est appelé à prendre ses responsabilités. Partout où vont se rassembler les hommes et les femmes de bonne volonté, tous désireux du changement politique et en mesure de produire des sacrifices conséquents, là va résider le #ToGoYeYe #MILAWOE auquel aspirent les citoyens à la place de l’actuel #ÉtatPatapa qui sévit au Togo.

Un État et ses représentants n’ont pas besoin d’être aussi insensibles, indifférents, fossoyeurs et cruels vis-à-vis des citoyens et de leur problématique politique pour démontrer une prétendue solidité. Vivement, le changement politique et la dignité aux citoyens togolais. C’est bien pour cela qu’au Togo, le dernier mot sera véritablement à la démocratie. Immanquablement! Et, ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini, et jusqu’à ce que les populations du Togo, les citoyens, les hommes et les femmes recouvrent leur dignité; eux qui, de partout, aspirent à une patrie meilleure : Desiderantes Meliorem Patriam!


Mot à Maux


Rédigé par psa le 08/09/2016 à 01:00