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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Où en est le Togo à la veille de la nouvelle année 2023 ? C’est un fait : le Togo reste un amoncellement de déceptions… Mais, pourquoi donc tant de ratés et d’échecs répétés vers l’alternance démocratique ? Pourquoi le Togo choisit-il de continuer à marcher contre le vent ? Précisément, de quoi le Togo est-il malade ?


Yiull Damaso, Autopsie
Yiull Damaso, Autopsie

Où en est le Togo à la veille de la nouvelle année 2023 ? C’est un fait : le Togo reste un amoncellement de déceptions… Mais, pourquoi donc tant de ratés et d’échecs répétés vers l’alternance démocratique ? Pourquoi le Togo choisit-il de continuer à marcher contre le vent ? Précisément, de quoi le Togo est-il malade ?


Pays essentiellement fondé sur un drame non élucidé qui colore toutes les considérations, notamment l’assassinat froid le dimanche 13 janvier 1963 de son premier président, en plein exercice de ses responsabilités –Sylvanus Olympio, un homme d’État compétent, ambitieux, en sage et lucide possession de ses moyens-, on aurait pensé que ce crime de sang, le tout premier du genre dans une Afrique « nouvellement indépendante », devrait servir à réinventer le Togo. Depuis… Peine perdue !

Soixante années plus tard, le Togo et les Togolais en sont toujours à leur asservissement par une violente et implacable dictature dont le principal objectif vise le maintien d’un pouvoir malsain, envers et contre tous les Togolais qui n’adhèrent pas à cette triste dérive. Au demeurant, ceux-là même qui servent le régime ne jouissent d’aucune quiétude pour autant. Ceci est donc un fait établi : le Togo demeure une épouvantable tyrannie dont la majorité des Togolais aimeraient bien se débarrasser. Pourquoi n’y parviennent-ils pas alors ?

Le Togo politique a un problème profond… L’alternance pour le mieux politique qui n’y a pas encore repris vie, six décennies plus tard d’un même système qui s’est complexifié, doit pouvoir s’expliquer. En parallèle, l’insuccès politique chronique qui caractérise les partis politiques désireux du changement au Togo doit pouvoir s’expliquer avec clairvoyance, discernement et précision. Pourquoi donc ce défaut d’alternance politique qui passerait le Togo d’une autocratie familiale militaro-clanique à une démocratie vivante ?

À juste titre, les erreurs politiques accumulées ont souvent fait penser à une absence de compétence politique chez les acteurs politiques. La politique reste un noble art de service public hautement éthique pour lequel il faut bien disposer des atouts probants et des capacités concluantes. Les errements accumulés depuis les trente dernières années, particulièrement, apportent la preuve tangible qui résume le cas Togo.

En effet, dans son sens large et dans sa pratique noble, "ne devient pas politique qui veut" parce que tout simplement fils de son père ancien président ou personne en capacité de créer un parti politique comme paravent des malveillances assidues. On comprend difficilement comment des professeurs d’universités et autres intellectuels, déboursaient systématiquement des millions de francs CFA sans aucune garantie d’un pourcentage d’adhésions populaires qui permettraient le remboursement de cette caution électorale. Ici, là, nous passons la frontière de la compétence vers celle de l’intégrité…

Avant tout, l’inaptitude politique criarde de Gilchrist Olympio né d’un père rigoureusement compétent, audacieux, avant-gardiste même et les insuffisances de Faure Gnassingbé, fils d’une personne qui a exercé la fonction présidentielle sous tutelle et de manière archaïque, ces deux illustrations d’incompétence font la démonstration parfaite que leur patronyme ne présente aucune garantie de préparation à la réussite de la mission de diriger un État... Pas le Togo, dans tous les cas !

À vrai dire, Gilchrist Olympio et Faure Gnassingbé, chacun à sa manière a sombré, enfoncé et abîmé le Togo. Gilchrist Olympio en réceptionnant et en bénéficiant de la sympathie et de l’envie des Togolaises et des Togolais de rendre justice à son chevronné père assassiné dans l’exercice de sa fonction ; Faure Gnassingbé en profitant, en trompant, en corrompant, en brutalisant, en asservissant et en confisquant tout sur son passage vers un fauteuil présidentiel devenu patrimonial plutôt que vers une fonction républicaine.


Le Togo... Son Autopsie
Un Monument de Contradictions


Plus tangible et concret qu’une simple hypothèse, le défaut de compétence politique est réellement explicatif de la stagnation politique du Togo ; une légèreté qui finit par faire la honte des Togolaises et des Togolais. Le Togo ne va nulle part ailleurs que dans la perversion totale des mœurs et de ses valeurs fondatrices que sont le Travail, la Liberté et l’amour de la Patrie. Tout ce naufrage n’a été possible qu’avec le manque flagrant d’intégrité en prégnance dans la classe politico-élitiste, en général.

Longtemps "secret de polichinelle" que « l’opposition togolaise mange dans les mains du pouvoir dictatorial », la question de l’intégrité a aussi émergé comme un autre trait dominant des acteurs et des faits politiques au Togo. Tous ces innombrables rendez-vous manqués, systémiquement, bruissaient de rumeurs et dégageaient une forte odeur de soufre…

La plus causasse de cette constante déperdition faite de froides ambiguïtés et mésaventures a été érigée en monument de contradictions le 22-février-2020, jour de la toute dernière présidentielle au Togo. Faute de s’être entendus sur une candidature unique face à Faure Gnassingbé, les principaux candidats et prétendus adeptes du changement politique assuraient et rassuraient les uns et les autres que : « Après le premier tour de la présidentielle, nous nous réunirons autour du candidat " le mieux placé d’entre nous". » Tous, nous y avons cru… Tous, nous leur avons témoigné notre confiance !

Nous y avons cru jusqu’à ce que, d’un communiqué de presse à l’autre, il soit demandé au fameux "le mieux placé d’entre nous" de fournir la preuve qu’il est réellement "le mieux placé d’entre nous" pourtant reconnu la veille. Nous n’en croyons plus nos oreilles et nos yeux, de cette culbute et de cet effondrement de valeurs et d’abandon des règles de fonctionnement de l’opposition togolaise en période électorale ! Manifestement, les ingrédients de la contamination du principe de la parole donnée sont passés par là ! À ciel ouvert, le manque d’intégrité tenait là sa fête de couronnement.

Le manque d’intégrité qui s’était déjà manifesté à bien d’autres occasions, sous déguisements partisans divers, avait bien jeté son masque au lendemain de la présidentielle du 22-fevrier-2020. Avec arrogance, le manque d’intégrité faisait parade au grand jour… Tant et si bien que : le parti politique qui connaît la croissance la plus rapide au Togo n'est pas un parti ni une société civile dérivée d’un parti. C’est la conscience patriotique désormais partagée par les citoyens que le Togo doit changer avec rigueur, énergie et détermination, en dehors des considérations partisanes. La Patrie avant les partis !

Le Togo de demain, le Togo qui urge dorénavant, sera finalement un pays de loyauté, d’honnêteté, d’ardeur, de dévotion, d’exemplarité et d’éthique, en réponse du profond problème d’insuccès répété et d’enlisement du pays dans une tyrannie assise sur l’incompétence et le manque d’intégrité.

Aujourd’hui, jour d'autopsie, c’est cet organe de Compétence en politique et d’Intégrité en citoyenneté qui manque cruellement pour expliquer l’accumulation fatale de tant de revers, tant de piétinements et tant d’insincérité. Le retour à la République est ainsi très loin d’être acté au Togo, depuis son effacement brutal il y a soixante années. Raison de plus de retrouver et de valoriser Compétence et Intégrité, partout au Togo et à travers sa diaspora… Inévitablement et inexorablement.


PSA
Québec, Canada
●27 décembre 2022●

Mot à Maux


Rédigé par PSA le 27/12/2022 à 01:00