Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Ce qui devrait être un simple naufrage se transforme en catastrophe politique d’un genre inimaginable que personne n’a vu venir : une submersion. L’on aurait pu qualifier le tout de tragi-comédie s’il n’était pas question du sort de millions de personnes. J’en étais à penser à une analyse nouvelle lorsqu’un long entretien téléphonique m’a amené à réaliser la nécessité de donner large diffusion au texte initial. Au Togo, l’incompétence politique est plus profonde que l’on ne pouvait l’imaginer…Déjà des commentaires initiaux, reçus au sujet de ce texte, en disaient long : d’abord, « Tes messages viennent toujours me changer du train-train ambiant, sinon que ton essai est réparateur (moralement du moins) parce que judicieux. Je suis heureux de chanter la fin de ce mythe avec toi mais que de temps avons-nous mis pour y parvenir! C’est certain dès à présent, ils n'étaient pas qu'incompétents, il y a pire, c’est de cyniques criminels.»; ensuite, « Lecture passionnante, tragiquement vraie traduisant l'égarement collectif d'un peuple trompé depuis des décennies et dont les yeux s'ouvrent désormais dans la douleur. Énorme responsabilité d'intellectuels incapables de discernement et égarés par la haine et la jalousie.». Effectivement, l’incompétence politique a un prix devant lequel nul ne peut rester indifférent, parce que trop lourd.


Gilles Rousset
Gilles Rousset
Probablement un bon père, un bon mari, un bon mononcle, pourquoi pas un merveilleux grandpa et un fabuleux beauf… Mais toujours fidèle à lui-même, il demeure un politicien d’une inefficacité absolue, bien que populaire au point d’être mythique, et ce, malgré le peu de charisme qu’il dégage. L’histoire retiendra difficilement quelque chose de lui qui soit grandiose et noble: un mot, une phrase, un texte, un discours, une décision qui ait pu changer le destin de son pays. Rien! Pas même savoir se retirer dans la dignité.


Au bout de cet itinéraire, un vide intellectuel pour quelqu’un qui serait le fruit de la London School of Economics. Une chance que dans le monde économique, nous en connaissons qui font mieux la renommée de cette institution, toute chose étant égale par ailleurs… Au bout de ce parcours, le néant qui tétanise par son escobarderie autant que par son vide. Au bout de ce sentier devenu étroit en viles prétentions, l’incompétence coûteuse en vies humaines et en répulsion des véritables valeurs politiques de tout un pays. Je l’interviewais un jour lointain, au moment où personne n’osait l’approcher : j’en avais vu bien d’autres... Au hasard des avions, je m’étais retrouvé sur le même vol que lui, entre Washington DC et Montréal : on pouvait rêver mieux pour son pays…

Il est vrai qu’il avait quitté tôt ce pays, particulièrement depuis le drame de ce dimanche matin dans lequel son père laissa la vie. Et, il a erré du rêve d’un pays à celui d’une revanche, le tout cristallisé dans un mépris effroyable qu’il avait de tout le monde. Ce mépris n’est pas sans conséquence. C’est d’ailleurs le seul legs qui lui est reconnaissable et semble lui aller comme un bonnet d’âne: l’incompétence politique.

C’est un bilan désastreux d’une quarantaine d’années qu’il n’est donné à qui que ce soit de produire en politique; et cela n’existe nulle part ailleurs au monde qu’en lui, par lui et avec lui seul. La seule comparaison possible, en forçant la note quelque peu, exclurait même le cas de la Birmane Ang San Suu Kyi, populaire comme son défunt père et toujours en prison elle, mais bien gratifiée de la plus prestigieuse des reconnaissances : le Prix Nobel. Cherchez alors, vous n’en trouverez pas! C’est dire qu’Il aurait pu être dans cette ligue majeure, si seulement il avait de l’imagination politique. Si seulement il n’avait pas raté toutes les occasions de changer le destin de son pays, de ses concitoyens, son propre destin en prime.

Si seulement il avait le flair politique, il serait revenu d’Abuja dans le même avion que son jeune adversaire, main dans la main avec lui, mais aussi avec des paroles appropriées à la bouche, en avril 2005, au lendemain des élections dans son pays… Ce pays se serait alors embrasé d’enthousiasme et de réconciliation; à la place des centaines de morts inutiles sacrifiés sur l’autel de son égo. Un égo qui pèse et qui rime avec le nom et la taille de son pays; ce qui finira par lui donner des maux de dos, cinq années plus tard, cinq années d’errements supplémentaires, cinq années de trop.

Au bord de la route, il n’aura laissé que des victimes, toutes aussi innocentes que naïves. De simples citoyens aux professeurs d’université : chacun ne jurait que par son nom. Les premiers n’avaient peut-être pas la capacité d’analyse suffisante, mais étonnement, les seconds étaient des aventuriers, de ces « intellectuels tarés » que le président Kérékou savait identifier à leur seule écoute. Ainsi est fait le destin de tout un pays : confisqué et embrigadé par l’incompétence politique d’une seule personne aidée et soutenue par la complaisance et le silence coupables d’une partie de l’élite intellectuelle.

Bien sûr que ce pays a un nom : le Togo. Il est aussi mien et celui de ces nombreux enfants et jeunes gens, pas trop gâtés par le hasard de leur naissance, à entendre leurs cris de désolation. De partout, je porte ces cris, persuadé qu’un jour, ils tourneront pour le mieux. Mais seulement à force de travail et d’éthique, à force de parole et d’action, et refusant une autre humiliation, celle du dernier naufragé. Celui dont les appels de désespoir n’émeuvent plus personne, même pas les siens devenus subitement désabusés, désillusionnés, désenchantés, puis silencieux, taiseux, honteux. Ils ont enfin vu la lumière!

Enfin, ils se lèveront et marcheront avec une certaine intelligence politique pour faire un Togo autre que celui du désespoir et du mépris politique des autres, lesquels parfois frisent une haine viscérale. Enfin, ils se joindront à la raison du compromis politique. Ici, et de tout temps, la mort du pécheur n’est pas inscrite au fronton du Togo; là, à la porte d’à côté, seule la rédemption du pécheur compte. L’entrée est vraiment libre, l’accès à ce temple du salut et du « Grand Pardon » demeure sans condition : la volonté seule suffit. Suivez donc la lumière, rapprochez-vous de la réalité politique de votre pays, faites tomber les barrières, incarnez véritablement l’art du possible qu’est la politique, habitez l’ordinaire du commun des citoyens, bâtissez enfin la cité. Nul autre ne le fera à notre place!



Mot à Maux


Rédigé par psa le 15/02/2010 à 00:45
Tags : Togo Notez