Profil
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.
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Portrait du leader tutsi, au pouvoir depuis qu’il a mis fin au génocide en 1994; il est assuré d’être réélu. Depuis la mort de Fred Rwigema, tué au combat dans les premiers jours de la guerre d’octobre 1990, Paul Kagamé est le véritable patron du Front patriotique rwandais (FPR). Cynique, sarcastique, Paul Kagamé se moque de l’opinion extérieure, en oubliant que, dans le monde d’aujourd’hui, le respect des droits de l’homme et des règles démocratiques pèsent désormais autant que les succès militaires ou économiques…
Michael DeLuca
Descendante de la famille royale, sa mère, en 1959, fuit la «révolution hutue» appuyée par les Belges, et l’enfant de 4 ans qu’elle porte au dos aura, comme dernière vision du Pays des Mille Collines, celle de huttes en feu et de Tutsis massacrés. Depuis les camps de réfugiés rwandais établis sur la frontière ougandaise, le jeune Paul Kagamé aura une seule obsession, rentrer un jour au pays, rétablir son peuple dans ses droits, lui assurer la sécurité. La voie sera longue et sanglante: avec une poignée de jeunes compatriotes réfugiés comme eux, Rwigema et Kagamé s’engagent dans la guérilla que mène Yoweri Museveni contre le pouvoir de Milton Obote, puis, lorsque ce dernier devient président de l’Ouganda en 1986, ils prennent le contrôle de la nouvelle armée ougandaise et des services de sécurité. Arrêter les tueries Secrètement, les réfugiés rwandais, soutenus par toute la diaspora, s’organisent pour forcer leur retour au pays, refusé par le président Habyarimana. Lorsque la guerre éclate en octobre 1990, les débuts sont catastrophiques, Fred Rwigema est tué et Paul Kagamé rentre précipitamment des États-Unis, où il fréquente l’académie militaire de Fort Leavensworth. Réorganisant les troupes, il se trouve face aux Français, qui soutiennent le régime de Kigali. Depuis lors, il ne lâchera plus jamais le contrôle des opérations. Alors que les accords d’Arusha conclus en août 1993 prévoient le partage du pouvoir et le retour des réfugiés tutsis, le clan Habyarimana prépare le génocide tandis qu’en face Paul Kagamé renforce son appareil militaire. Durant les trois mois que dureront les massacres de Tutsis, pris comme otages, Paul Kagamé mène une double stratégie: mettre fin aux tueries, mais aussi assurer la victoire militaire complète du FPR, qui sera acquise le 4 juillet 1994, dans un pays transformé en charnier. L’invasion du Congo Pour avoir mis en échec les Français qui appuient les forces gouvernementales, Paul Kagamé sera considéré comme l’un des meilleurs stratèges d’Afrique, mais sa vision est aussi politique: il veut assurer, définitivement, la sécurité des siens, afin que plus jamais les Tutsis ne connaissent l’exil et l’exclusion et, nourri de l’idéologie panafricaniste, il veut créer un Rwanda fort. Longtemps ministre de la Défense, Paul Kagamé semble s’effacer devant le pasteur Bizimungu, un Hutu, mais chacun sait qu’il est le véritable maître du pays. Un maître dont l’ambition semble sans limites: désireux d’entraîner le retour des 2 millions de Hutus qui campent au Kivu et de détruire l’appareil militaire des génocidaires, Paul Kagamé porte la guerre au Congo, contribue à chasser Mobutu de Kinshasa, puis se retourne contre son allié Laurent-Désiré Kabila. Jusqu’en 2002, les troupes rwandaises, alliées aux Ougandais, contrôleront les deux tiers du Congo et en pilleront méthodiquement les ressources. Lorsqu’il remporte, avec 95% des voix, son premier mandat, l’image de Paul Kagamé est contrastée: ses compatriotes tutsis le considèrent comme un héros, les Hutus le craignent mais reconnaissent qu’il a réussi à empêcher les représailles systématiques et à garantir à tous les Rwandais une sécurité appréciée. Aux yeux des Congolais cependant, Paul Kagamé est considéré comme un tueur sans pitié, prêt à tout pour garantir la sécurité des siens. Les années passées au pouvoir, la reconnaissance internationale n’ont pas changé Paul Kagamé: l’homme n’a pris ni un gramme ni une ride et ne sourit pas plus souvent qu’autrefois. Pragmatique, il se réconcilie avec Kinshasa comme avec la France, se fait coopter par les grands de ce monde: Tony Blair le conseille, Bill Clinton l’épaule, George Bush veille sur son fils qui étudie à West Point, il est invité à Davos et dans tous les forums importants. Les Anglo-Saxons présentent le Rwanda, désormais membre du Commonwealth, comme un modèle de développement. Les éloges et les succès n’ont cependant pas détourné Paul Kagamé de sa véritable personnalité: l’homme demeure autoritaire (même s’il assure que le pouvoir est collégial), il dirige son pays avec la fermeté d’un chef de guerre, ne supporte pas la contradiction et ne craint pas de frapper au sein de ses propres rangs. Il s’aliène ainsi de nombreux compagnons de la première heure, soit parce qu’il lutte contre la corruption, soit parce qu’il bannit le français de l’enseignement et met en résidence surveillée Laurent Nkunda, très populaire parmi les Tutsis venus du Congo… Cynique, sarcastique, Paul Kagamé se moque de l’opinion extérieure, en oubliant que, dans le monde d’aujourd’hui, le respect des droits de l’homme et des règles démocratiques pèsent désormais autant que les succès militaires ou économiques… ////////Colette Braeckman Horizon
Rédigé par psa le 10/08/2010 à 00:10
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