Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Au-delà des articles de journaux, la vivacité des lecteurs et des lectrices apporte un particulier piquant aux textes initiaux. C’est donc un délice de lire les commentaires que génèrent de nombreux articles de journaux ici et là, à la faveur de l’internet. Et celui de Christian Rioux dans le quotidien Le Devoir sur Nicolas Sarkozy et son passage cahoteux à la Francophonie avec une déclaration controversée sur les relations Québec-France-Canada a retenu mon attention. Il ne me plait guère de revenir sur les propos du Président de la République française. Pour ceux et celles qui ne le savent pas, ce n’est point grave… C’est seulement un prétexte pour mettre en valeur les commentaires suivants de Serge Charbonneau, un lecteur du Devoir qui a su restituer les limites confuses du texte du journaliste québécois basé à Paris, en même temps que certains travers de la société québéco-canadienne ainsi que les insuffisances mêmes de la prétentieuse déclaration de Nicolas Sarkozy. C’est un texte qui vaut le détour, c’est un texte ambitieusement réussi ; j’en ai félicité l’auteur et je ne peux ne pas le partager… Il date du vendredi 24 octobre 2008. Il s’adresse enfin à ce même personnage qui un jour, à Dakar, trouva l’Afrique et les Africains absents de l’histoire et de la modernité… Depuis, il n’a pas changé et j’exagère à peine. Après sa croisade contre l’Afrique qu’il ne connaît pas, il est venu en faire autant ici –un Québec et un Canada qu’il ne connaît nullement, et maintenant, il est annoncé à Washington DC pour changer le capitalisme, dit-il, un capitalisme qu’il ne connaît manifestement pas et commence déjà à confondre avec certaines institutions régulatrices. C’est comme si quelqu’un veut changer la Liberté après que tout le monde y ait gouté, changer les humains et les spéculateurs tant qu'à y être. Vous voyez le genre… Enfin !


Bernard Buffet, Les Folles
Bernard Buffet, Les Folles
Je ne sais pas si c'est partout pareil, mais je n'ai pourtant rien remarqué de semblable nulle part ailleurs où je me suis promené. Il y a, bien sûr, au Venezuela, où l'on trouve une polarisation politique très intense. On s'invective sévèrement un clan contre l'autre, les chavistes contre les anti-Chávez. Mais cette division se comprend facilement. Juste à voir la tenue vestimentaire, le moyen de locomotion ou l'habitation dans laquelle vivent les antagonistes et nous sommes fixés. C'est une lutte des classes. Les démunis de toujours, les bafoués, les moins que rien contre les nantis, les riches, l'oligarchie. Mais ici ! Dans la rue, à l'épicerie, au centre d'achat ou dans les salles de spectacles, on ne décèle rien. On ne peut se douter qu'il puisse y avoir cette fraction. Deux clans, une polarisation souvent extrême. Deux groupes ayant des visions opposés, qui poussent parfois jusqu'à la haine. Les "séparatistes" et les "fédéralistes". Aucun des groupes ne peut être désigné comme le champion de l'intolérance. Les deux clans sont égaux. Leur inconciliable différend les pousse à s'affronter constamment comme si un consensus était totalement utopique. Quelle tristesse! Quelle tristesse lorsqu'on ne peut plus se parler! Quelle tristesse "l'irréconciliabilité", quelle tristesse lorsque le compromis ne peut être envisagé. Comme si le Québec ne réussira jamais à faire un tout, comme si notre division servira toujours les intérêts des colonisateurs. Avec le sujet que soulève M. Rioux aujourd'hui, j'entrevois déjà les propos déplacés, les exagérations incroyables, les invectives les accusations et les insultes. Le cours de débat 101 devrait être obligatoire. L'art de défendre son point de vue en attaquant les arguments et non les personnes. L'art d'exposer et d'étayer son idée et d'affaiblir les arguments adverses par de meilleurs. L'art de rester poli et civilisé même si tous ne partagent pas notre opinion. L'art d'admettre ses torts et ses faiblesses plutôt que de démolir, les deux yeux fermés tout en étant bien enragé. « Il n'est pas facile de parler calmement de la France au Québec. » Il n'est pas facile de parler d'indépendance au Québec. Il n'est pas facile de parler de religion au Québec. Il n'est pas facile de parler du crucifix au Québec. Tout comme du voile, d'ailleurs. Il n'est pas facile d'exprimer son opinion au Québec. Il n'est pas facile d'être de gauche au Québec. Il n'est pas facile de débattre au Québec. Ça vire rapidement en chicane. Paradoxalement, nous sommes reconnus pour le peuple qui n'aime pas la chicane. Je crois plutôt que nous sommes le peuple qui a toujours eu peur de mettre ses idées de l'avant. À l'intérieur même de nos familles respectives et avec nos amis, on hésite à dire un peu trop ses idées. «On n'aime pas la chicane !» On devrait plutôt dire: Nous sommes incapables de débattre. Nous sommes incapables de faire la part des choses. Comme M. Rioux qui est incapable de dissocier humour et racisme: « ce sketch grinçant où Gérard D. Laflaque disait à Nicolas Sarkozy qui s'était mis dans la tête de récupérer des otages français au Québec: «Servez-vous. Ça tombe bien. Y'a plein de Français qu'on aimerait bien qu'ils repartent.» Imagine-t-on la même réplique concernant des Noirs ou des Juifs? » Ouf ! Les Noirs ou les Juifs ! M. Rioux ne craint pas le ridicule. Il me semble que son parallèle est douteux et inadéquat. M. Rioux semble vouloir jeter de l'huile sur le feu dès le départ. Ici, il provoque bien plus qu'il fasse réfléchir. Heureusement, M. Rioux poursuit avec plus de retenue. C'est bien évident que ce ne sont pas quelques mots d'un petit politicien qui peut changer certains "acquis" historiques du Québec en France. La France nous aime toujours! Mais, il faut aussi convenir que le discours de M. Sarkozy dénotait la maladresse ou l'inconscience du président français. J'ai l'impression que le "Vive le Québec... Vivvve le Québec liiiibrrre!" du Général était beaucoup plus réfléchi. Ces mots n'ont pas été lancés en débarquant d'un avion et pressé de prendre le vol suivant. Ils ont été lancés devant une foule en liesse et après avoir parcouru lentement tout le chemin du Roy. Après plusieurs, discours tout au long du parcours qui préparait le terrain à cette «affirmation», à cette consécration. Le petit discours de Sarkozy est à son image. Un hyperactif sans grande envergure qui voudrait bien être de la trempe des Grands. M. Sarkozy aurait avantage à prendre des leçons d'Histoire et de diplomatie. Il apprendrait ainsi qu'il y a une différence entre dire quoi faire comme l'avait fait Clinton qui nous disait comment voter et quoi penser et livrer son émotion comme l'a fait le général de Gaulle en 1967. Sarkozy, à l'instar de ses idoles états-uniennes, aime bien dire au monde quoi faire. Il aime bien signifier qu'il connaît LA voie, comme l'administration Bush connaît LE bien. Il y a une différence énorme entre dire ses sensations et dire quoi faire. Dire "Vive le Québec libre" est bien différent que de dire que le Canada DOIT rester uni. Au premier on peut lui dire: Vous n'avez pas raison mon Général et à l'autre on peut carrément lui dire: Aille bonhomme, mêle-toi de tes affaires. Les Québécois et les Canadiens sont capables de régler leurs problèmes entre eux. Retourne chez toi, règle tes choses et laisse-nous régler nos affaires. Hein ? C'est accordé beaucoup trop d'importance aux propos de ce petit personnage pompeux qu'est M. Sarkozy de dire: "ses propos à la citadelle de Québec représentent à leur manière une copie en négatif du célèbre «Vive le Québec libre!»." Comme dit si bien M. Rioux: «n'est pas de Gaulle qui veut!» Non, M. Sarkozy est bien loin d'être de Gaulle! Et son appui "ingérente" à l'unité canadienne est bien loin du "Vive le Québec libre" du Général. « Si l'ingérence en faveur d'un petit peuple qui cherchait à s'émanciper était pour certains «inacceptable» en 1967, on ne voit pas pourquoi celle en faveur d'un riche pays du G8, allié des États-Unis et dont l'unité n'est guère menacée le serait moins en 2008. » « Ingérence empreinte d'un paternalisme » Voilà la marque de commerce de M. Sarkozy. Comme c'est aussi la marque de commerce de l'Impérialisme économique et militaire de nos voisins du sud. Il est grand temps que l'on retrouve un monde pluripolaire et que chacun s'occupe de SES affaires et cesse de dire à tous et chacun quoi faire chez lui. Chaque nation a sa voie, chaque tribu a sa culture, chaque région ses caractéristiques et chaque peuple a sa fierté et sa dignité. Le monde se portera mieux lorsque ceux qui se croient supérieurs, cesseront leur ingérence effrontée. De conclure à un recul du mouvement souverainiste qui justifierait le choix du discours opportuniste de M. Sarkozy, m'apparaît facile. Je ne crois pas que le mouvement souverainiste soit si défait. Je crois plutôt que nous sommes à la croisée des chemins quant au choix de société dans laquelle nous voulons vivre. Aussitôt ce choix clarifié, le mouvement souverainiste rejaillira avec plus de vigueur. Les racines du souverainisme sont trop profondes pour être négligées. Il est clair que l'attitude déplacée de M. Sarkozy reflète son opportunisme de bas étage. On sent bien qu'il veuille se rapprocher des États-Unis et du Canada de droite. On sent bien que ce petit président discourt en fonction des sondages et des contrats lucratifs. C'est de la petite politique et effectivement, M. Sarkozy ne s'est pas fait de grands amis ici lors de son passage éclair. Je l'invite à aller voir ailleurs qu'au Québec, s'il y est. Serge Charbonneau, Québec

Ad Valorem


Rédigé par psa le 26/10/2008 à 03:38
Notez