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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Un homme debout en ovation à Aimé Césaire, Christiane Taubira, Mamadou Sakho et autres John Fitzgerald Kennedy jusqu’à dimanche, c’est à Genève que résonne ce cri de dignité. Étant donné le simplisme de certaines prises de position lors des débats publics sur le racisme et l’intimidation à l’heure de l’Internet, ce chant possède toute sa nécessité en Suisse, en France, au Canada, aux États-Unis et ailleurs au monde : une explosivité qui rend ce solo sur la Négritude renversant.


Christiane Taubira
Christiane Taubira


Un Homme debout, c’est d’abord un spectacle. Un solo tonitruant, actuellement à voir à la Parfumerie, à Genève, où, entre poésie, danse et stand-up, David Valère rend un hommage sauvage et sensuel à Aimé Césaire. Mais un homme debout, c’est aussi David Valère lui-même, comédien métis qui, malgré une enfance chaotique entre un début de vie en nourrice, une escale en famille éloignée et plusieurs années en foyer, est parvenu à rester sur ses deux pieds. Mieux, il a puisé dans ces tribulations entre Lille, Genève et la Martinique une explosivité qui rend ce solo sur la négritude renversant. Salutaire en ces temps de résurgence d’un racisme primaire.

David Valère le dit lui-même dans un des apartés au public d’Un Homme debout. Le combat mené par Aimé Césaire dès les années 1930 pour redonner au peuple noir sa fierté est loin d’être gagné. La preuve en France ces jours, énonce le comédien, commentant l’actualité. Certes, les deux buts marqués par Mamadou Sakho, mardi soir au Stade de France, ont apporté une réponse cinglante aux attaques racistes lancées contre Christiane Taubira, ces dernières semaines. Le footballeur originaire du Sénégal a redonné ses couleurs au credo black-blanc-beur cher à la France victorieuse de 1998. Mais peu avant, la peau de banane exhibée par une fillette devant la ministre de la Justice à Angers avait de quoi atterrer…

«Que de sang dans ma mémoire!» lance David Valère sur la scène de la Parfumerie, avant -d’entamer une de ses danses endiablées. Sang, larmes, humiliations. L’acteur cite les Antilles «dynamitées d’alcool et grêlées de petite vérole», telles qu’elles sont peintes par Aimé Césaire. «Je déteste les larbins de l’ordre», écrit le poète de la négritude, stigmatisant ses concitoyens aplatis devant les dirigeants blancs. Par la bouche du comédien, le poète dénonce encore les «sodomies monstrueuses de l’hostie», visant la religion catholique, active elle aussi dans la discrimination.

Rage, colère. De tels sentiments pourraient habiter David Valère. Qui n’a pas connu son père et a été beaucoup déplacé par sa mère. Mais, le jour de la rencontre, le comédien apparaît joyeux, presque serein. Il est accompagné de Melody, 4 ans, et Naomé, 8 ans, fillettes futées qui dessinent des cœurs dans un cahier. «Je n’ai grandi qu’avec des femmes et ça continue», sourit le comédien en présentant ses enfants.

La première de ces femmes? Germaine, sa nourrice lilloise, chez qui il est arrivé à deux mois et est resté pendant huit ans. «Ma mère martiniquaise est venue à Lille à 12 ans pour habiter chez sa grande sœur et trouver du travail. A 17 ans, elle est tombée enceinte suite à un rapport forcé. Pour pouvoir travailler comme aide hospitalière, la nuit, à Paris, elle a dû me placer. En huit ans, j’ai dû la voir vingt fois. Elle débarquait, élégante, la coupe à la Angela Davis, stupéfiante!»

David puise dans l’amour de Germaine de quoi affronter les moqueries des camarades. «Dans les années 70, il n’y avait pas de Noirs à Lille et quasiment pas de métis. Les enfants me traitaient de nègre et de bougnoule. Je ne disais rien, jusqu’au moment où j’en ai boxé un, qui a saigné du nez. Les insultes ont cessé. Dès cet âge, j’ai appris à me défendre.»

Un jour de juillet 1976, sa maman l’emmène brusquement. «Je pleurais, je ne voulais pas quitter Germaine, mais je me consolais en pensant que je retournais en Martinique et que je verrais des singes.» En fait, David arrive à Champel, quartier aisé de Genève, et «des teckels»… Aujourd’hui, installé dans cette ville, il en rit et joue, fanfaron, de ce contraste frappant.

A 10 ans, il découvre enfin la Martinique. «Très prise par ses occupations, ma mère m’a envoyé chez sa sœur à Fort-de-France. Je suis instantanément tombé sous le charme de cette région paradisiaque. Le climat, les odeurs, la végétation. Breton décrit très bien cette séduction dans Martinique, charmeuse de serpents.» Lucide, le jeune garçon observe également que «tous les postes d’autorité, les enseignants, les gendarmes, les fonctionnaires, sont occupés par des Blancs.» Aimé Césaire est pourtant rentré en Martinique en 1939 pour devenir maire de Fort-de-France, puis député… «Oui, Aimé Césaire s’est battu pour la reconnaissance du peuple noir, mais il n’était pas séparatiste, explique le comédien. Il pensait que le salut de ce peuple passerait par une Martinique française. On peut dire que le poète est allé plus loin que l’homme politique

David Valère est bienveillant. Il a acquis cette capacité de résilience dans les foyers pour enfants où sa mère l’a placé lorsque, mue par un nouvel élan, elle l’a ramené à Genève fêter ses 12 ans… «Dans ces foyers, j’ai découvert la violence et la misère. Comme j’ai découvert le pouvoir de l’argent plus tard, lorsque je suis arrivé au collège huppé de Florimont.» Nouveau lieu, nouvelle logique. David prend conscience de ses talents d’orateur et d’amuseur lorsqu’il est appelé au tableau noir, où il invente des sketches pour gagner du temps. «Tout le monde me disait de faire du théâtre. J’y suis ¬finalement arrivé. Avant, j’ai travaillé dans la gestion de fortune, car je ne croyais pas en mon talent.»

Son habileté s’impose dans Un Homme debout, solo sur mesure imaginé avec son ami, pour ne pas dire son frère d’élection, Stéphane Michaud, avec leur compagnie, la Cyparis Circus. Au théâtre, ses autres «bonnes fées» s’appellent Pierre Nicole, Dominique Ziegler. Mais toute son attention est portée sur la parole de Césaire. «Je veux absolument jouer ce solo à Paris. J’ai déjà des contacts prometteurs et, avec ce qu’il se passe aujourd’hui en France en matière de racisme décomplexé, je dois aller là-bas, dresser la poésie contre ces attaques décérébrées.» Jusqu’à dimanche, c’est à Genève que résonne ce cri de dignité. Étant donné le simplisme de certaines prises de position lors des dernières élections, ce chant a aussi toute sa nécessité en suisse, en France et ailleurs au monde.///////// Marie-Pierre Genecand


En dehors de toute théorie flamboyante, juste une question pratique et de bon sens: quand, devant une horde d’aspirants à la Liberté, un homme a marché d’une élection présidentielle à une autre pendant pratiquement cinq ans, réclamant par gaz lacrymogènes et constantes humiliations la vérité des urnes qui lui aurait donné une victoire convaincante par ailleurs ainsi que le retour à la République, par quels critères moindrement démocratiques allez-vous disqualifier une personne aussi déterminée et le peuple fidèle à ses côtés, au prétexte qu’ils ne seraient plus aptes à incarner la dignité de cette même population? Par quels critères raisonnables et éthiques, une telle personne ne saurait être candidat à diriger cette nation togolaise? Dites-le nous! Dites-le nous vite, parce que le Togo n’a plus du temps à perdre en inutiles querelles de politiciens. Nous ne demandons qu’à être convaincus, et nous sommes nombreux.


2015: Candidature Unique de l'Opposition togolaise
2015: Candidature Unique de l'Opposition togolaise


C’est en ces termes que se pose la question de la candidature unique de l’opposition togolaise, dans la perspective des élections présidentielles de 2015; une question qu’il faut régler au plus tôt en ces temps de veille électorale. Mais en réalité, poser la question c’est y répondre de manière non-équivoque : supprimer de l’ordre anormal des ambitions politiques, au beau milieu de nous-mêmes, tous ceux qui tournent le dos à la République et tendent désespérément la main à la non-légitimité, antidémocratique de surcroît, « depuis les mendiants jusqu’aux prétendants ». Faites demi-tour, retournez-vous et regardez dans la même direction que le peuple togolais : revenez à la Patrie, revenez à la République, revenez à la «Terre de nos Aïeux», revenez à la grande Raison… Ne nous perdons plus du temps!

Le coup d’État permanent que subit le Togo –ne serait-ce que dans la fausse promesse de l’ancien régime d’établir la démocratie et la réconciliation, ne laisse de choix qu’à se porter à la défense de la République en refusant de nouvelles reculades. La République c’est la solidarité, autant que la démocratie l’est également. Il ne faut plus que le Togo soit pris par surprise –comme en 2005 et en 2010, et le peuple dépossédé de son avenir, de nouveau, parce que certains de ses dirigeants auraient mené et gagné la bataille de l’égoïsme et de l’inefficacité politique en s’arrogeant, encore une fois, le rôle de tuteur du peuple; un peuple togolais qui, à leurs yeux, serait tout simplement immature pour ne pas reconnaitre toute la compétence cachée en eux. Erreur!

La suprématie du peuple est sacrée. Cette suprématie implique que le peuple n’a pas à justifier ses choix, et nullement son adhésion à une personne plutôt qu’à une autre; et ce peuple a aussi le droit de se détourner de l’un comme de l’autre sans fournir d’explication à qui que ce soit. C’est l’immuable loi de la souveraineté du peuple; et il exprime ce pouvoir dans ses choix et à travers ses préférences populaires; et cette suprématie ne peut être assujettie à aucune condition ni obstruction, à aucune précipitation ni auto-proclamation.

De plus, lorsqu’on a vu ces dernières années le suffrage du peuple togolais servir à légitimer toutes les impostures électorales, lorsque qu’on a vu la République bâillonnée, incendiée et dépossédée, lorsque qu’on a vu des candidatures rejetées et des résultats littéralement fabriqués, lorsque qu’on a déjà été mordu par un serpent, probablement le même serpent et au même carrefour, de tout ce qui ressemble à un serpent ou en présente la silhouette à ce même carrefour de l’histoire, l’on se doit de se méfier et d’agir en conséquence. C’est le bon sens dont le commun des mortels est capable, en tout temps et tout lieu : faire des choix raisonnés fondés sur le vécu et le contexte.

Des leaders politiques désormais sous surveillance.
De nos jours, l’opposition togolaise qui s’impose à notre considération est celle qui, elle-même et par la force des choses, s’est affranchie de la puissance tutélaire désespérément inefficace de Gilchrist Olympio. Devant ce dernier, on s’en souvient, toutes les capacités politiques togolaises et non les moindres s’étaient littéralement anéanties; des Léopold Gnininvi aux Apollinaire Agboyibo en passant par les Edem Kodjo, Boukari Djobo et autres. Depuis lors, un chemin a été parcouru, et nul ne reviendra en arrière sur les temps impériaux extraordinairement stériles et peu imaginatifs de l’ère Gilchrist Olympio ou encore redonner vie à tous ces moments de gâchis et de lourds sacrifices. L’histoire en disposera. Mais aujourd’hui, le temps nous est compté : le Togo ne peut continuer à être pris au piège des actions politiques sans aboutissements de certains de ses leaders. C’est ce droit de regard et de vigilance qu’exercent désormais tous les citoyens du Togo, le peuple togolais, silencieux, muet, médusé, paralysé, aphasique même, mais toujours conscient de son destin encore inachevé, et toujours vigilent vis à vis de tous ses prétendants.

Il est vrai que dans sa diversité, l’opposition togolaise qu’incarnent les acteurs actuels s’est modelée, à nouveau et autrement, dans un esprit d’ouverture aux partis politiques et à la société civile; un esprit de collaboration que jamais la classe politique n’avait démontré auparavant avec autant de louables résultats. Une telle voie de l’efficacité dans l’unité d’action, une fois choisie, c’est tous les adeptes du changement qui doivent s’y associer, de Kofi Yamgname à Agbeyomé Kodjo, d’Aimé Gogué à Jean-Pierre Fabre, de Tchessa Abi à Abass Kaboua, etc. C’est un fait que l’opposition togolaise n’a jamais été aussi unie que maintenant, malgré toutes ses difficultés apparentes et avec l’incontestable leadership de l’Alliance nationale pour le Changement (ANC), parti-locomotive du Collectif Sauvons le Togo (CST).

C’est d’ailleurs l’éternel et universel enseignement du Chemin de Damas : se relever après tous les déboires du monde, toutes les humiliations et les brusqueries que seul le régime ancien togolais sait servir à ses adversaires. Voici donc une opposition nouvelle en marche; elle est cosmopolite, multiethnique, ouverte et elle constitue le résultat de tous les écroulements du passé, en plus d’être pourvoyeuse d’un idéal républicain à tout un peuple qui a le droit d’exister et d’espérer. Comme ce fut le cas dans l’histoire des peuples, au Togo aujourd’hui, chaque conscience citoyenne a besoin d’un idéal plus que du réel : « C’est par le réel qu’on vit; c’est par l’idéal qu’on existe. » Se pourrait-il que certains veulent entraver cette marche nouvelle, si déterminante, en s’écartant du devoir d’unité d’action? Pas cette fois-ci, s’il vous plait!

Face à une situation aussi persistante, le devoir d’une action commune s’impose à chaque adepte du changement politique au Togo. Là est le bon sens est là! Une telle fermeté dans notre conviction n’a d’égale que la sympathie profonde envers toutes les ambitions politiques individuelles. Sauf que devant l’histoire républicaine du moment, tout s’efface, et tout doit s’effacer afin que les Togolaises et les Togolais deviennent eux-aussi, ensemble, contributeurs et « créanciers de l’enthousiasme universel » que partagent déjà d’autres peuples qui ont choisi la démocratie partout à travers le monde, et plus près encore au Ghana et au Bénin voisins.

Dans un passé encore récent, les abîmes de la désunion de l’opposition togolaise avaient déjà fait tressaillir tout un chacun d’amères déceptions. Se décourager et tourner le dos au Togo, tendre une main secourable ailleurs ont parfois été l’exutoire de certains. Mais rien n’est aussi compliqué que de fuir son propre destin et laisser inachevée son œuvre de citoyen ou encore mettre un masque à sa quête de liberté en grattant ailleurs que l’endroit qui en a le plus besoin. Toutes ces fuites en avant n’avaient rien donné d’autre que la certitude que les Togolais doivent courageusement faire face à leurs responsabilités. Citoyens d’une République bâillonnée, incendiée et dépossédée, les Togolais n’en peuvent plus d’appartenir à un pays aux rêves perdus, peuplés de martyrs et de bourreaux; un pays où l’opposition républicaine, forte et unie, doit désormais refuser de servir de faire-valoir à l’arbitraire. C’est bien le sens d’une candidature unique, celle qui ne sera pas tirée par les cheveux de la désunion, celle du large consensus, celle que nous attendons. Vivement!


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