Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




À force de s’approprier les emblèmes de la France, le boulimique Gérard Depardieu s’est érigé en monument national. Exilé fiscal en Belgique, serait-il aujourd’hui devenu déserteur et traite? La république des arts et des lettres s’embrase et pousse des cris: « Casse-toi gros lard », « Reviens, la patrie te réclame », etc. Allégeance au capital solitaire international ou à la France fraternelle et solidaire?


Temps de fin de monde pour Depardieu
Temps de fin de monde pour Depardieu



À l’affiche de L’Homme qui rit figure naturellement Gérard Depardieu. Car tout ce qui relève du patrimoine français, il veut en être, il doit en être, à plus forte raison s’il s’agit de Victor Hugo. Le comédien a déjà incarné Jean Valjean, le Comte de Monte-Cristo et Alexandre Dumas, la moitié des cadets de Gascogne (Cyrano de Bergerac, Porthos, D’Artagnan) et leur ennemi le cardinal Mazarin, Danton, Rodin, Marin Marais, Jacques de Molay, le Maheu de Germinal, Jean de Florette, le colonel Chabert et Balzac, le Titus de Bérénice, Vatel, Vidocq, Fouché, Boudu, Bérurier, Obélix à quatre reprises… Il a failli être de Gaulle, il sera DSK… À force de s’approprier ces emblèmes de la France, le boulimique s’est érigé en monument national.

Alors, quand l’ogre tricolore choisit l’exil fiscal et se réjouit de renoncer à sa nationalité, forcément ça renâcle. Le premier ministre déplore une «attitude un peu minable». Philippe Torreton pourfend le faquin dans une lettre publique, tandis que Catherine Deneuve lui trouve des circonstances atténuantes. La république des arts et des lettres s’embrase. Les arguments opposent la responsabilité civique au mythe de l’artiste libertaire, véhiculent des réflexes corporatistes et aussi quelques rancœurs professionnelles.

Jouisseur excessif miné par la mélancolie, bâfreur gargantuesque tiraillé entre l’ange (lectures de saint Augustin) et la bête (muflées phénoménales), Gérard Depardieu fuit en avant et met du sublime jusque dans la déchéance. Qu’il pisse dans l’avion, roule bourré et se fraise en deux-roues, copine avec les dictateurs, on lui pardonnait toutes ses incartades. Parce qu’il avait la grâce, cette voix de roseau dans un corps de mastodonte, et ce rire enfantin.

La dernière frasque, c’est la goutte de beaujolpif qui fait déborder la barrique. Elle relève de la haute trahison. Comme si Mammuth, le prolo spolié, faisait allégeance au Capital. Comme si Cyrano de Bergerac capitulait. Le panache si cher au bretteur proboscidien a roulé dans la poussière. En planquant son magot à l’étranger, le comédien a foulé les valeurs d’Égalité et de Fraternité au profit d’une Liberté sans gloire.

Il y a une terrible envie de lui dire «Casse-toi gros lard!», et un blocage. Car, derrière le bide conquérant, derrière le fric, le loubard des Valseuses, ce frangin transgressif, continue à cligner de l’œil. On en veut au plus grand comédien français d’être devenu le plus gros, sans arriver toutefois à faire le deuil de ce qu’il a représenté.\\\\\\\\Antoine Duplan


Mot à Maux


Rédigé par psa le 26/12/2012 à 19:28