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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Que cessent ces leurres journalistiques! En situation de non-démocratie, aucun pouvoir n’est favori du peuple et de l’électorat; tout pouvoir de cette nature est plutôt oppresseur et dominateur des citoyens. Ainsi font semblant d’ignorer le comble de la désinformation et de l’anti-professionnalisme journalistique en verve sur le Togo. Dans un contexte où les évènements en Afrique n’existent qu’à travers les prismes de certains organes de la presse internationale, les nouvelles disponibles sur le Togo, en ce début de semaine et à quelques jours des élections présidentielles d’avril 2015, sont manifestement « désobjectivées ». Un pouvoir véritablement favori organise des élections transparentes et crédibles. Tout de même!


Le Togo dans la presse internationale
Au nom d’une suave aseptisation qui viserait à donner la parole à toutes les parties et à ne rapporter que les points de vue sans aucun filtre critique, des informations disponibles sont devenues très peu professionnelles, inqualifiables mêmes par leur manque de profondeur et de rigueur. Et pourtant, les peuples ont bien consacré la dignité comme la richesse des nations; et, aucune forme de journalisme ne saurait ignorer cette universelle réalité.

Avec des traitements journalistiques aussi intéressés ou désintéressés, c’est selon, les médias d’État auraient desservies les opinions française, canadienne et autre, que personnes ne s’en rendrait compte. Tous les « RFI », « Le Monde », « Jeune Afrique », « la Presse », « Africa 24 » et autres organes de presse de cette basse terre n’auront même plus à exister. C’est ainsi qu’après d’autres reportages, des articles émanant d’une même pensée perverse, alimentée en partie par l’Agence France Presse (AFP) sous la plume d’un certain Émile Kouton, se soient répandus dans les medias occidentaux, ce jour même où plusieurs villes togolaises étaient en début d’ébullition. Plusieurs villes togolaises en mouvement de grèves; écoles et hôpitaux fermés, ne font pas du candidat du pouvoir un « hyper-favori » devant une opposition divisée comme c’est partout proclamé.

C’est bien l’astuce facile que d’évoquer la division de l’opposition togolaise, comme si cette opposition politique a besoin d’avoir forcément une voix unique et monocolore devant un régime de cinquante ans, père en fils, qui a toujours fraudé les élections au Togo, semé la zizanie et l’intéressement dans tous les milieux. C'est bien l’astuce facile pour tous les reporters et analystes de se limiter à une division de l’opposition pour prétendre le pouvoir subitement aimable et acceptable pour tous les Togolaises et Togolais.

Au silence des uns –silence auquel la « Voix de l’Allemagne (DW) » seule semble ne pas s’associer, le giron francophone, particulièrement, se laisse prendre à une hagiographie coordonnée sans aucun fondement rigoureux qui ne soit de la ressemblance à un publireportage peu analytique. Nulle part ailleurs qu’en dictature, un régime ne peut être favori sans être en mesure d’organiser des élections qui ne répondent à aucune exigence minimale de transparence.


Quel journaliste sérieux peut encore feindre ignorer le drame du peuple togolais?

Comment un régime qui a tué des centaines de citoyens en pleins jours de février-avril 2005, hier seulement, pour se réinstaller et se perpétuer, pourrait être favori de ce même peuple dans le même pays, au Togo, en refusant par ailleurs toutes les réformes politiques? Comment et dans quelle société humaine un tel miracle politique pourrait se produire? Comment un régime refusant les réformes constitutionnelles et institutionnelles vers des règles électorales équitables pourrait être qualifié de favori dans un pays resté cadenassé? Régime favori dans le sens de préféré ou régime vomi dans le sens de rejeté? Le régime de l’apartheid était-il favori auprès de la majorité des citoyens en Afrique du sud de cette époque? Les dictatures sont-elles devenues les régimes favorisés par les peuples? Tout de même! L’irrespect des citoyens togolais pourrait bien avoir une limite, n’est-ce pas?

Les mots ont effectivement leur sens. Tous les Togolais auraient voulu être en démocratie et ils luttent farouchement pour cet objectif de dignité humaine; jusqu’à maintenant le meilleur des systèmes pour les peuples en république : avoir la possibilité de choisir leur dirigeant, voir leur choix se faire respecter, vivre en paix dans un pays réconcilié avec lui-même, un pays intégré dans toutes ses composantes comme plusieurs autres pays africains. Non! Faure Gnassingbé n’est aucunement favori des Togolaises et des Togolais.

Que Faure Gnassingbé se déclarera vainqueur des élections présidentielles prochaines, nul doute. Mais, s’imposer à un peuple par la force est loin d’être le favori de ce peuple. Faure Gnassingbé n’est pas le favori des Togolais qui se souviennent bien qu’en recevant le rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR), en 2012, ce chef d’État promettait bien de faire impérativement les reformes suggérées afin d’éviter les « les vieux démons de la violence et de la barbarie » au Togo. De telles reformes autant que celles prévues dans l’Accord politique global (APG) négociés avec lui en 2006 par l’opposition togolaise attendent toujours d’être mise en application. Et ces réformes sont devenues des sujets supplémentaires de division nationale, par pur machiavélisme de désespoir.

Que personne ne s’y trompe. Ces reformes ainsi que les élections locales toujours reportées le seront timidement, seulement après que le régime se sera imposé au moyen des élections présidentielles truquées d’avril 2015. Après seulement et seulement après, ce régime tentera des négociations pour amadouer certains opposants, tentera alors de mettre en œuvre quelques bribes de reformes et d’élections, le tout jusqu’à la prochaine imposture lui garantissant de s’éterniser au pouvoir. Non! À l’œil nu, Faure Gnassingbé est loin d’être le favori au Togo, et encore moins le favori des Togolais. À l’œil nu, tout esprit professionnellement sain peut bien déchiffrer ce qui se perpètre au Togo : la fraude électorale permanente.


Que la réalité intelligible des peuples soit toujours et rigoureusement restituée par tous ceux qui ont le devoir de la rapporter à d’autres peuples et nations. Il n’y a rien de plus humain en aspiration que la dignité des peuples : Togolais, Béninois, Français, Canadiens, Sud-africains, Ghanéens, Burkinabé, Allemands, Tanzaniens, Belges, Coréens, autant qu’ils sont ces citoyens. Face au régime particulier qui sévit au Togo, avec une armée clanique opérant même en milices punitives ainsi que par l’usage de techniques diverses de paupérisation des citoyens et des opposants, le combat pour la dignité ne pourra qu’être ardu, parfois insolite, absurde même, toujours décodable toutefois.

Naturellement, ni en 2006, ni en 2012 ou après rien n’a été fait jusqu’à maintenant. Autant de faits palpables et disponibles à tout observateur respectable désirant se disculper et s’affranchir des éternels et anecdotiques avis d’illustres inconnus généralement « conducteurs de mototaxis » au nom très commun. Le tour est bien souvent joué par ces détours de reportage dignes des roulements de tambour sentencieux de Rhadamanthe lui-même.

Effectivement, il demeure qu’en république, les peuples ont le même reflexe et les mêmes désirs d’épanouissement. La marche vers l’alternance politique au Togo est encore raide mais raisonnablement et inéluctablement lisible à tout esprit qui désire véritablement informer un large public. Que cessent alors ces complaisances journalistiques innommables. Du respect au peuple togolais, à défaut de votre appui quelconque. De grâce, n’ajouter pas l’insulte à l’outrage déjà en perpétration au Togo! Au mieux, cachez tous ces jeux journalistiques que les Togolais ne sauraient plus voir.


Mot à Maux


Rédigé par PSA le 16/03/2015 à 22:52