L'interview s'accompagne d'une photo sur fond noir où le maire de Bordeaux a voulu apparaître à la fois classique (costume sombre, cravate bleue) et décontracté (mains dans les poches), en accord avec l'entretien d'un possible présidentiable qui ne peut pas encore se définir comme tel. "Mon gaullisme, c'est une pensée politique qui allie patriotisme et humanisme. Chirac a ajouté un certain pragmatisme, une connaissance de la France profonde, du terroir, de la ruralité (...) Il y a des tendances profondes qu'il faut sentir", explique-t-il, faisant comprendre en creux ce qui le différencie du locataire actuel de l'Elysée.
Alain Juppé, que plusieurs sondages ont classé parmi les "présidentiables" les plus crédibles à droite, réfute toute hostilité à l'égard du chef de l'Etat mais il confie qu'il n'a "jamais cru à la rupture" chère à Nicolas Sarkozy. Ce dernier reste à ses yeux "le candidat naturel de la droite en 2012" mais, s'il renonçait à briguer un nouveau mandat, "l'UMP devra organiser des primaires et dans ce cas, j'envisagerai de concourir". Face aux autres prétendants présidentiels - Dominique de Villepin ou Jean-François Copé - il estime avoir "un avantage et un inconvénient : j'ai dix ans de plus qu'eux !"
Sur le fond, il attaque plusieurs initiatives présidentielles comme le débat sur l'identité nationale ou l'abandon de la taxe carbone. Il "conseille" également au président "d'adapter" le bouclier fiscal, décrié par la gauche et une partie grandissante d'élus de la majorité. "Ce que je ne digère pas, c'est le triomphe de la cupidité", assène-t-il. Sur la forme, il estime que le "style" de Nicolas Sarkozy explique "incontestablement" une partie du "désamour" qui s'est exprimé à l'égard de l'UMP lors des élections régionales de mars.
Critique également sur le rythme des réformes, Alain Juppé estime "qu'on ne peut pas faire tout en même temps". Lui qui avait payé par un semblable désamour des Français, en 1997, quand il avait voulu gérer à la fois les retraites et la dette de la Sécu, estime aujourd'hui qu'on ne peut pas bousculer "trop d'habitude à la fois, en coalisant trop de mécontents". Pour l'aider à réfléchir à son programme, Alain Juppé a d'ores et déjà annoncé la création d'un "think tank" transcendant si possible "les étiquettes politiques". "Il faut rechercher le consensus, j'en parle en connaissance de cause", dit-il.
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