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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Hier, les Tunisiens étaient unis dans l’antibenalisme. Ils ne savent plus aujourd’hui à quel saint se vouer. Il y a vingt-quatre mois, lorsque la Tunisie avait ouvert le chemin en courageuse éclaireuse, les printemps arabes avaient soulevé de formidables élans d’espoir, charriant quantité d’attentes à la fois légitimes sur le fond et candides par leur impatience. Voilà que d’autres risques sont révélés avec l’assassinat de Chokri Belaïd.


Le pourrissement du printemps arabe


En culminant avec l’assassinat, mercredi, de Chokri Belaïd, le pourrissement de la situation politique à l’œuvre depuis des mois pourrait bien avoir conduit la Tunisie au point de non-retour. Ou la mort tragique du militant d’extrême gauche s’impose à la classe politique comme un électrochoc, et la transition post-révolutionnaire se remet rapidement sur les rails. Ou le pire est envisageable, si les uns, extrémistes, les autres, assoiffés de revanche, et d’autres encore, frustrés de n’avoir toujours pas le moindre fruit à récolter de la révolution deux ans après la chute de Ben Ali, exploitent l’incertitude qui s’installe pour semer le désordre.

Il y a vingt-quatre mois, lorsque la Tunisie avait ouvert le chemin en courageuse éclaireuse, les printemps arabes avaient soulevé de formidables élans d’espoir, charriant quantité d’attentes à la fois légitimes sur le fond et candides par leur impatience. Celles, notamment, d’une traduction en justice de tous les suppôts des anciens régimes; d’un avènement rapide d’un mieux-être économique; d’une parole entièrement déliée et de pouvoirs équilibrés. Le principe de réalité s’est depuis imposé dans toute sa dureté: l’émancipation de l’autoritarisme et la construction démocratique sont des processus semés de tâtonnements, enveloppés d’incertitudes et guettés, au moindre tournant, par le risque du retour en arrière.

Ce constat n’a pas valeur d’absolution pour la sphère dirigeante tunisienne. Elle détenait dans son jeu un atout maître, la légitimité électorale historique que lui avaient conférée les élections de la Constituante en octobre 2011. Le scrutin clôturait une première phase chaotique, marquée par une succession de trois gouvernements. Dominé sans raz de marée par Ennahda (41% des voix), il a autorisé la mise sur pied d’un pouvoir de coalition, associant aux islamistes deux partis de gauche, Ettakatol et le Congrès pour la République. La transition semblait bien enclenchée.

C’était avant que l’Assemblée constituante manque à la confiance placée en elle, en ne parvenant pas à rédiger une Loi fondamentale dans l’année qu’elle s’était donnée. Le texte est toujours en travaux. En laissant les incidents fomentés par les extrémistes se multiplier, les appels à la haine proliférer, et en échouant à améliorer, même à la marge, la conjoncture, le gouvernement a lui aussi dilapidé le capital de confiance populaire. Ennahda en particulier, qui en détient les portefeuilles régaliens, s’est ensablé à l’épreuve du pouvoir. Tiraillé qu’il est entre ses éléments modérés et son aile de plus en plus ouvertement radicale, il apparaît dorénavant incapable de montrer la voie. Hier, les Tunisiens étaient unis dans l’antibenalisme. Ils ne savent plus aujourd’hui à quel saint se vouer. /////////Angélique Mounier-Kuhn


Silence


Rédigé par psa le 08/02/2013 à 06:25



Ô Tombouctou! Glorieuse fin de semaine sur sable fin du Sahara africain : «Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique» ainsi parlait Hollande à Bamako, au Mali, le samedi 2 février 2013. Et il l’avait probablement répété à Joe Biden, le vice-président américain, en le recevant hier à l’Élysée. Depuis l’intervention française au Mali, le président de la République française a acquis une stature nouvelle : Hollande l’Africain. Mais la situation reste fragile sur le large plan intérieur : Hollande l’Européen?


Calme sur Hollande... Gloire au Libérateur de Tombouctou

Lundi matin, dans leurs bureaux élyséens, François Hollande et ses conseillers ont dû jubiler à la lecture des éditoriaux du jour. Unanimes, les commentateurs ont loué la visite de François Hollande samedi au Mali, et salué son discours de Bamako. Sur place, aucune fausse note: un accueil chaleureux des Maliens, et un timing parfait après une phase d’opérations militaires qui a permis de libérer les villes de Gao et Tombouctou, avant d’amener les forces françaises jusqu’à Kidal, dans le massif des Ifoghas, refuge des djihadistes en fuite.

Bien sûr, la guerre n’est pas terminée, le sort des otages reste en suspens, les risques d’exactions demeurent importants. Mais pour l’instant, l’engagement au Mali trouve un large soutien dans l’opinion publique, sur place comme dans l’Hexagone. Pour clore en beauté le week-end, Le Figaro, d’ordinaire prompt à blâmer le chef de l’État, écrit ceci en une: François Hollande «a montré qu’il savait être au bon endroit dans les moments cruciaux».
Le Figaro qui célèbre «Hollande l’Africain, le libérateur de Tombouctou»? Quelque chose a indéniablement changé en France. Grâce à la décision d’intervenir au Mali et à la détermination dont il fait preuve depuis, François Hollande a acquis une nouvelle stature. «De manière probablement durable, l’intervention au Mali a effacé une grande fragilité du président de la République. Depuis son élection, il apparaissait comme un homme sans grande autorité, qui avait du mal à décider. C’est terminé: François Hollande a installé son image de chef d’État», souligne le politologue Gérard Grunberg.

La droite ne se permet pas de critiquer François Hollande en chef de guerre. Elle se tait ou félicite le socialiste. Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy lors de la guerre en Libye, a ainsi estimé que l’opération malienne était non seulement «justifiée», mais également «réussie».

Sur le plan intérieur, le nouveau Hollande a également trouvé un terrain sur lequel s’illustrer, celui du mariage gay et de l’adoption pour les couples homosexuels. Mi-janvier, au soir de la grande manifestation des opposants qui avait rassemblé 800 000 personnes au pied de la Tour Eiffel, selon les organisateurs, François Hollande avait aussitôt annoncé qu’il n’entendait pas céder un pouce sur ce dossier. Et que ses promesses de campagne seraient réalisées. C’est presque chose faite: l’article premier de la loi, celui ouvrant le mariage aux couples homosexuels, a été adopté samedi.

L’embellie commence même à se traduire dans les sondages: plusieurs d’entre eux montrent que la chute de popularité est enrayée, autant pour François Hollande que pour le premier ministre Jean-Marc Ayrault. Certes, les cotes de popularité restent basses, mais elles ont cessé de sombrer. Cela tend à donner raison à François Hollande, dont la stratégie consiste à faire passer le maximum de réformes impopulaires en début de mandat pour en tirer les bénéfices en fin de quinquennat.

Pour autant, la route n’est pas, du jour au lendemain, pavée d’un lit de roses. La situation économique reste à la fois difficile et préoccupante. Les annonces de plans sociaux ou de fermetures d’usines se poursuivent, comme celle de Goodyear à Amiens, la semaine dernière. Pour l’instant, personne ne voit comment le président parviendra à concrétiser sa promesse d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de 2013. Rappelant la phrase prononcée par François Hollande à Bamako – «Je viens sans doute de vivre la journée la plus importante de ma vie politique» – Jean-François Copé, patron de l’UMP, a sardoniquement riposté: «i[Moi, je souhaite que la journée la plus importante [pour lui] soit celle où il pourra dire à l’ensemble des Françaises et des Français qu’il aura fait régresser le chômage]i.»

Le chef de l’État français n’est pas non plus totalement débarrassé des ratés de la communication du gouvernement. Alors que le débat sur l’ouverture du mariage et de l’adoption pour les couples homosexuels pouvait être l’occasion de célébrer une avancée sociale et l’union de la gauche, des divergences de position entre Jean-Marc Ayrault et la ministre de la Famille, Dominique Bertinotti, autour de la procréation médicalement assistée (PMA), brouillent le message. Et permettent à l’opposition de critiquer la ligne sinueuse de l’exécutif: la discussion parlementaire sur la PMA a été renvoyée à l’automne, après l’avis du Conseil consultatif national d’éthique, alors que l’exécutif avait d’abord promis une loi en mars.

Cette nouvelle valse-hésitation a fait les délices de la droite. Elle a aussi terni les glorieuses images du week-end. //////////// Catherine Dubouloz



Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 05/02/2013 à 07:07



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