Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Hier soir dans les nouvelles, sur la vénérable CNN en particulier, c’est l’étonnement des uns et des autres : « Mais… il est en train de faire ce qu’il a promis de faire… Mais, c’est pas possible ! » Et puis je suis allé regarder quelques autres chaines de télévision américaines et canadiennes ; le résultat est le même. Un étonnement était effectivement dans l’air et les analystes demeuraient comme interloqués, ne s’attendant nullement qu’il fasse ce qu’il avait promis de faire, aussi rapidement, courageusement et symboliquement. Celui dont on parle est effectivement Barack Obama. Il étonne et inspire encore, au grand désarroi des cyniques. Et ce matin, c’est l’ancienne ministre Lise Payette qui se fend en comparaison élogieuse mais aussi nostalgique… le tout mérite notre attention car dit-elle, La vie continue.


Espoir et Nostalgie
Cela ne m'était jamais arrivé auparavant. Cette semaine, pour la première fois de ma vie, j'ai eu envie d'être Américaine. Je ne le crie pas sur les toits parce que je ne suis pas sûre d'en être fière. Quand on veut devenir Américaine, il faut savoir qu'il n'y a pas que les bons côtés. Il faut prendre le paquet. N'empêche, même sachant cela, cette semaine j'ai eu follement envie de passer du côté de l'espoir, de mettre mes rêves dans le même panier que ceux d'un nouveau président qui sait y faire du côté des rêves et j'ai souhaité marcher dans ses pas, à ses côtés. Une envie folle de répondre «présente» à la proposition insensée que cet homme fait à tous ceux et celles qui veulent se refaire un pays. J'ai eu, encore une fois, le goût d'embarquer, le goût d'y croire. Puis, bien sûr, je suis revenue sur terre parce que je suis Québécoise et qu'ici, l'espoir a du mal à survivre tellement des vents contraires s'acharnent à le faire disparaître encore et encore. À notre «yes, I can», la réponse a été «no, you can't». Plutôt deux fois qu'une... Le 20 janvier, le jour aurait pu ne pas se lever à Washington, car il y avait assez de lumière dans les yeux de ces Américains pour réchauffer l'air ambiant et éclairer tout le parvis de la Maison-Blanche. Que leur a dit ce nouveau président? Que ça ne serait pas facile. Ce qu'il dit ouvertement depuis des mois. Qu'ils auraient à faire des sacrifices et qu'ils allaient devoir s'accrocher pour survivre et que lui, leur président, n'allait pas pouvoir tout faire tout seul et qu'ils auraient eux aussi à prendre des responsabilités. Tout ce qu'il ne faut pas dire au peuple dans le monde d'aujourd'hui. La vérité. Juste la vérité. Personne n'a paniqué. Ils étaient prêts à le suivre jusqu'en enfer s'il le fallait. Son tour de magie est si puissant qu'il n'a pas d'ennemis pour le moment. Un peu comme s'il n'y avait pas de prise pour les ennemis. Mais il en aura. Sur son propre territoire d'abord, parce qu'il est impossible que ses succès n'éveillent pas l'envie, la jalousie et le goût de la destruction chez d'autres humains qui ne supportent pas la réussite d'un surdoué. Puis ailleurs, dans le monde, où il faudra bien se positionner par rapport à ce leader charismatique qui fera nécessairement de l'ombre à tous ces leaders moins brillants qui sont si nombreux. De quoi auront l'air les Stephen Harper, Nicolas Sarkozy ou autres Poutine de ce monde en comparaison? Poser la question, c'est y répondre. On a beaucoup dit cette semaine que nous assistions à la fabrication de l'Histoire, que l'arrivée de Barack Obama à la présidence des États-Unis, c'était vivre l'Histoire en direct. On a profité de l'événement pour rappeler la lutte des Noirs à travers les siècles et les discours de Martin Luther King, et le nouveau président lui-même s'est réclamé d'Abraham Lincoln, établissant un lien entre lui-même et cet ancien président. L'Histoire a été présente partout. Vivante, surtout. Au Québec, la situation est très différente. Plutôt que de se souvenir respectueusement de notre Histoire, on doit subir les assauts de ceux qui préfèrent la réécrire tout simplement pour qu'elle soit plus conforme à l'idée qu'ils aiment s'en faire. Ottawa, sur ce sujet, ne manque pas d'imagination. Après toute une année 2008 où la ville de Québec s'est faite la complice d'un détournement de l'Histoire en échange d'un succès de foule et de spectacles, nous apprenons qu'on va maintenant nous imposer une «célébration» de la fameuse bataille que nous avons perdue sur les Plaines d'Abraham, quand Montcalm a été défait par Wolfe et que la France a perdu le Canada. Nous allons fêter notre propre défaite. Le gouvernement fédéral va financer l'événement, bien sûr. Pourquoi se priver? Montcalm va se retourner dans sa tombe, mais ça, on s'en fout. Y a-t-il au monde un seul autre peuple qui fête sa défaite? L'argent de la fête serait plus utile pour sauver l'église qui a abrité les Patriotes à Saint-Eustache, et sur laquelle les canons anglais n'ont pas hésité à tirer. Ça, c'est notre Histoire, la vraie, celle qu'Ottawa ne veut plus entendre. Les Patriotes étaient peut-être des Obama de leur époque. Ils avaient eux aussi un plein panier de rêves.////////// Lise Payette, Le Devoir

Mot à Maux


Rédigé par psa le 23/01/2009 à 08:31
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