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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Mauvais exemple que cette présidentielle du 31 octobre 2020 en Côte d'Ivoire...


Présidentielle... Le désenchantement
Présidentielle... Le désenchantement



La honte politique de l’Afrique, c’est probablement l’Afrique francophone et ses chefs d’État, nommément les Faure Gnassingbé, Alassane Dramane Ouattara, Alpha Condé, Paul Biya et autres qui ne méritent même pas qu’on perde le temps de les citer tous. Ils se reconnaissent dans leur groupe, et doivent savoir que l’attachement de leurs Peuples à la Démocratie l’emporte sur l’allégeance de leurs concitoyens au président quelconque qu’ils sont, et qu’ils veulent rester dans l’histoire.

Ça tombe bien sur le 31 octobre… Il y a 503 ans, dans ce qui est considéré aujourd’hui comme l’Allemagne commença une grande révolution dans l’Église catholique romaine ; une révolution qui conduira au schisme de la "Réforme Protestante" qui donnera naissance à l’Église protestante luthérienne et ses variantes qui forment aujourd’hui environ le tiers des chrétiens du monde.

L’histoire retient le 31 octobre 1517 comme la date à laquelle Martin Luther (1483–1546) aurait publié les 95 thèses, des opinions révolutionnaires, dénonçant le commerce ou la vente des indulgences : ces riches catholiques qui payaient l’église –en quête d’argent-, pour acheter définitivement le pardon pour leurs péchés… Payer pour obtenir grâce et indulgence pour ses péchés avait fini par révolter Martin Luther qui s’était opposé à l’imposture, fermement et sans relâche, jusqu’à sa propre excommunication -la sanction la plus élevée, par le pape Léon X.

En claire comparaison, c’est comme ce qui se fait aujourd’hui en politique : acheter les observateurs des élections –lesquels observateurs ne demandent d’ailleurs qu’à recevoir leur butin, corrompre les diplomates et autres pour se faire reconnaître élu malgré des fraudes électorales immenses. Payer pour ses péchés, payer pour tout se faire pardonner, payer pour faire accepter un résultat connu d’avance, payer pour tout corrompre, payer et payer encore pour se faire tout pardonner.

Et voilà... C’est cette même date qui coïncide avec la mascarade électorale d’ADO en Côte d’Ivoire, après celles d’Alpha Condé en Guinée en ce mois d’octobre et Faure Gnassingbé au Togo en février. La corruption électorale dont se rendent coupables les prétendus chefs d’État francophones africains est annonciatrice d’un grand bouleversement en gestation dans tous ces pays, comme a été la Révolution luthérienne dans l’Église catholique.

Vivement... Que le 31 octobre 2020 soit également annonciateur d’un grand chambardement en Côte d’Ivoire et partout ailleurs en ces temps nouveaux qui refusent l'indignité du commerce des indulgences en politique, le commerce juteux du faux dans les élections.


PSA
[31 0ctobre 2020]


Mot à Maux


Rédigé par PSA le 31/10/2020 à 22:00



Le continent africain est marqué par un imaginaire social dominé par quatre grands mythes qui l’enferment dans une logique mortifère et d’échecs : les mythes de l’Occident, de l’Indépendance, du Développement et de la Démocratie. Inventés par l’Europe-Occident pour l’Afrique, ces mythes structurent encore l’imaginaire africain, en paralysant toute action novatrice et alternative.


Professeur Yao ASSOGBA
Professeur Yao ASSOGBA


Il y a désenchantement lorsqu’on ne s’émerveille plus devant une réalité que notre imaginaire nous faisait croire merveilleuse, mais que nous comprenons rationnellement désormais. Par exemple, dans le cas des fêtes de Noël, lorsqu’on grandit, il y a un processus de rationalisation qui fait qu’on ne croit plus au père Noël qui descendrait du pôle Nord et entrerait dans les maisons par la cheminée. Le désenchantement est donc le processus d’élimination des représentations magiques dans la compréhension et l’action sur les réalités sociales.

Par ailleurs les sociétés humaines sont construites sur des mythes. Ceux-ci sont des sources de connaissance qui s’inspirent généralement de métaphores reliées aux phénomènes naturels et sociétaux. Les mythes se présentent sous forme de récits, de croyances, qui servent à expliquer le monde qui nous entoure. Les mythes ont une incidence sur les attitudes et les comportements des sujets sociaux qui y adhèrent.

Depuis le XIXe siècle, époque de la colonisation de l’Afrique par l’Europe-Occident, le continent africain est marqué par un imaginaire social dominé par quatre grands mythes qui l’enferment dans une logique mortifère et d’échecs : le mythe de l’Occident, le mythe de l’indépendance, le mythe du développement et le mythe de la démocratie. Inventés par l’Europe-Occident, ces mythes ont structuré et structurent encore aujourd’hui l’imaginaire africain, en paralysant toute action novatrice et alternative eu égard à la position de périphérie qu’occupe l’Afrique dans le Système-Monde. C’est l’éveil à ces mythes et à la conscience de leur dépassement que j’appelle le désenchantement de l’Afrique.


Le premier grand mythe qui détermine tous les autres est celui de l’Occident. Un Occident intériorisé, à la fois imité et rejeté. Son corollaire est la problématique de l’identité culturelle africaine qui s’est traduite par le mouvement de la négritude initié par Césaire, Senghor et Damas, mais qui deviendra une idéologie figée. D’une certaine manière, on peut placer dans le même ordre de mouvement, les discours et les pratiques « d’authenticité » des années 1970-1980 au Zaïre de Mobutu et au Togo d’Eyadema.


Le second mythe est celui de l’indépendance qui structure également l’imaginaire africain. Dans les années 1960, il fut la réponse à toutes les questions, à tous les défis. Mis à l’épreuve par les réalités, ce mythe s’est cependant brisé. L’indépendance a été confisquée par le colonisateur qui a réussi à remplacer le colonialisme par le néo-colonialisme.


Le troisième, le mythe du développement, a sans tarder pris le relais. Le développement, c’est pour les populations africaines, l’accès à la modernité occidentale. Mais le développement, tel que représenté, a failli. Une fois érodé, ce mythe par mimétisme se présente sous d’autres variantes mythologiques qui ont pour noms : « développement autocentré », « développement adapté », « développement approprié », « micro-développement », etc. Le bilan de tous ces cas de figure n’est guère plus reluisant. Sauf que les populations africaines ont riposté à ce processus de mimétisme et inventé, au ras du sol, des formes alternatives de développement qui leur permettent de survivre et même de vivre.


Enfin, le quatrième mythe, celui du mythe de la démocratie et du pluralisme politique, s’est imposé à l’Afrique dans les années 1990 suite à la chute du mur de Berlin, l’effondrement du Bloc soviétique et les contestations de rues ont ébranlé les régimes despotiques et les dictatures africains. Ce dernier mythe apparaît comme la dernière tentative pour résoudre de façon quasi magique l’ensemble des problèmes du continent noir. Tout au plus, il se présente en une caricature que le politicologue Max Liniger-Goumaz désigne par le néologisme « démocrature », c’est-à-dire « la dictature déguisée en démocratie, une alchimie subtile de démocratie et de dictature, une sorte d’habillement institutionnel recouvrant les réelles méthodes et pratique d’un régime dictatorial ».


Tous les peuples se sont donnés des mythes par lesquels ils ont connu l’enchantement et le désenchantement. Pour l’Occident le mythe de Prométhée, et pour l’Asie le mythe de Confucius, s’inscrit dans ce chapitre. Quant à l’Afrique, elle s’est partiellement enchantée et totalement désenchantée par la mythologie occidentale. C’est peut-être en faisant une rupture radicale (qui n’est pas sans rappeler la notion psychanalytique freudienne du meurtre du père (l’Occident), et en recherchant dans le tréfonds de leurs propres cultures, que les Africains trouveront les mythes fondateurs authentiques par lesquels ils enchanteraient et désenchanteraient leur renaissance. Une saine utopie à réaliser !


Yao Assogba
Sociologue
Professeur émérite
Université du Québec en Outaouais (UQO)
Canada

● 28 octobre 2020 ●


Mot à Maux


Rédigé par Yao Assogba le 28/10/2020 à 05:00



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