Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Il va falloir s’entendre un jour là-dessus et en convenir le plus largement possible au Togo : la formation d’un espace politique crédible devient essentielle et cette démarche nécessite une véritable créativité, loin des expériences partisanes mises en œuvre jusqu’à maintenant. La course vers la division politique qui s’est engagée au Togo depuis si longtemps, et avec des crocs-en-jambe réguliers, doit réellement s’inverser au profit d’une délibération qui ne pourrait se permettre de faire l’économie des acteurs et des idées. Il en est désormais ainsi, d’autant plus que les différents cercles concentriques du pouvoir politique ont réellement montré leur limite, individuelle et collective, en échouant littéralement d’imaginer, de concevoir et de redéployer avec enthousiasme, compétence et respect, un Togo moderne à la place de celui qui fait si mal aux citoyens et reste toujours sujet à controverse. Après tant de gaz lacrymogène et de confusion, c’est probablement en forçant le coffre-fort des égoïsmes que la classe politique paiera la dette d’un autre Togo aux citoyens.


Une classe politique dénudée
Une classe politique dénudée


Le dernier avatar de cette descente vers le bas, le lieu diviseur commun, réside dans l’incapacité de ce qui reste de cette opposition active qui n’arrive pas à reconnaitre explicitement la dette qu’elle a envers les citoyens du Togo, celle de dépasser ses clivages d’antan, afin d’accéder à une véritable refondation consécutive au naufrage définitif de Gilchrist Olympio; ce qui n’est pas rien dans le paysage politique togolais. En soi, l’hypothèque Gilchrist Olympio levée sur l’opposition togolaise à travers l’éclatement de sa bulle longtemps gonflée à l’égoïsme, c’est à une redistribution des rôles que cette opposition se doit de procéder, en mettant de côté les dissensions passées et en capitalisant sur les données nouvelles. Oui, la classe politique du Togo a une dette vis-à-vis des citoyens!

Contrairement à l’histoire mythique de l’homme le plus fort qui ait existé, Samson –et Gilchrist Olympio était exagérément fort au plan politique togolais compte tenu de la particulière histoire du Togo et avant qu’il n’ait succombé au charme dalilahesque du « partage du pouvoir », il est désormais clair que les cheveux qui faisaient sa force ne sauront jamais repousser pour réhabiliter la capacité d’action porteuse du changement longtemps attendu de ce fils du seul président démocratiquement élu dans l’histoire du Togo.

Le temple politique togolais ne disparaitra donc pas avec un quelconque retour en force de Gilchrist Olympio. Sa décision de regagner précipitamment Faure Gnassingbé, plutôt que de perdre pied et contrôle sur son parti, est purement erratique, réactive et orgueilleuse, en plus d’être clairement rejetée par la frange de la population au nom de laquelle il prétendait redéfinir une nouvelle stratégie d’action politique –chose dont il n’a jamais été capable dans toute son aventure en politique, un domaine qui est loin de correspondre à ses réelles capacités... N’est pas politicien qui veut!

Le Togo politique survivra alors, mais autrement, au très couteux pèlerinage terrestre de Gilchrist Olympio en politique; les Togolaises et les Togolais doivent donc agir en conséquence, ramasser tous les pots cassés, remettre de l’ordre dans le décor politique togolais, décloisonner et aérer tout l’espace pour dissiper la fumée de la confusion politique semée. Un nouvel ordre social se doit de naitre au Togo. Et c’est justement la gouvernance actuelle du Togo qui, plus que tout autre, doit ouvrir le jeu politique dans la bonne foi.

L’art de répéter la solution connue… la décrispation
Le parcours sinueux vers des lendemains meilleurs au Togo, un pays vrai, appelle très sérieusement un changement d’approche. En réalité, c’est un véritable changement de paradigme qu’il faut désormais à la classe politique togolaise dans son ensemble, afin d’éviter les récurrentes erreurs du contrefacteur aux yeux rivés sur le seul modèle qu’il connait et qu’il tente de reproduire la tête baissée, oubliant les évolutions ambiantes et les inévitables subtilités. Tant il est désormais vrai au Togo que : tous les partis politiques que l’État peut curieusement dissoudre, démembrer, ignorer et reconfigurer à sa guise n’offrent plus le cadre idéal pour penser un Togo d’avenir au profit des citoyens de plus en plus exigeants qui ne trouvent toujours pas satisfaction et ne débordent pas d’enthousiasme dans l’équipe dirigeante traditionnelle et ses nouveaux alliés. Cela ne veut nullement dire que le salut existerait en dehors des partis politiques non plus. Le mal togolais sort de l’ordinaire et est tenace. Quoi faire alors?

Commencer par le commencement! Faire le service politique minimum pour commencer. Un pas à la fois, et le premier pas est celui de la décrispation, celui de la détente politique, de la relaxation même, pourquoi pas de la décontraction et du répit, du respect, de la diplomatie, la diplomatie des petits pas; juste un coup de téléphone d’abord, une conversation à la fois, une conversation pour voir... Ce pays a soif d’autre chose que de l’orgueil de ses acteurs politiques.

En effet, que Faure Gnassingbé appelle Jean-Pierre Fabre et dans une certaine mesure Agbéyomé Kodjo –son ami dans un passé pas si lointain, a partie liée avec le dégel politique au Togo et la suite des choses.

Le plus sérieusement du monde, il faut convoquer la bonne foi au service du Togo. Il faut oser le Togo différemment : risquer et oser l’éthique politique au service du Togo. Il faut essayer autre chose que ce qui a été mise en œuvre jusqu’à maintenant, ces dernières années surtout, et le faire dorénavant dans la bonne foi et le respect des adversaires et des citoyens du Togo. Introduire l’humanisme dans la démarche.

C’est bien connu : les chefs d’État sont des personnes désespérément seules face aux contradictions du pouvoir que leur donne l’autorité de leur fonction et l’hypocrisie, voire les intérêts inavoués des sollicitations qui sont à la source de leurs décisions. Les chefs de partis politiques ne sont pas à l’abri d’une telle situation. Au service du Togo, il faut se donner les moyens francs d’écouter le Togo, bien loin des complaisances et des fréquentations habituelles. Et la bonne foi suggère fortement que le destin du Togo ne commencera à changer que lorsqu’un signal humainement fort et vrai sera donné : le chef d’État togolais, Faure Gnassingbé, doit prendre la responsabilité d’appeler ses vrais adversaires, inopinément mais franchement et sans réserve mentale, pour mettre en branle un processus vers un vrai dégel politique.

En l’état actuel du paysage politique togolais, c’est véritablement un geste de décrispation politique qui serait fondateur d’un nouvel horizon. En effet, appeler Jean-Pierre Fabre et introduire une nouvelle perspective de solution politique et de délibération reste toujours une nécessité. Par la suite seulement, un groupe de travail ou une commission sous l’autorité d’une personne de grande envergure politique servira de cadre à une écoute formelle des uns et des autres, dans un délai raisonnable, pour ensuite faire rapport public, transparent et indépendant assorti de recommandations. Il est réellement temps d’agir pour débloquer le Togo, réinitialiser le Togo, redémarrer définitivement le Togo.

L’inaction politique coute cher au Togo; la tromperie politique et l’absence de bonne foi aussi. C’est à cela que s’apparente clairement le bilan politique après toutes ces dernières intempéries dont le rapprochement Faure Gnassingbé – Gilchrist Olympio; une véritable diversion qu’aucun Togolais n’a trouvé drôle jusqu’à maintenant ni réparatrice du structurel déficit démocratique et dialogique qui caractérise le pays. La question du Togo, sa problématique, ne saurait être individualisée ou confisquée pour prétendre répondre aux besoins de tous les autres citoyens.

Mieux que quiconque, Faure Gnassingbé sait qu’il est loin du compte politique et n’a pas encore tenu sa promesse de réconciliation vis-à-vis des Togolaises et des Togolais. C’est désormais l’urgence de maintenant qui prévaut, et le Togo se doit de remplir cette obligation historique : forcer le coffre-fort des égoïsmes de tous les acteurs politiques et changer fondamentalement le destin du Togo.

Le vrai Togo attend au bout des pas de chacun, au bout des responsabilités partagées du nouveau camp présidentiel et d’une opposition nouvelle refondée. Après tant de revers communs, tant de déceptions nationales et tant d’indifférences internationales, après tant de gaz lacrymogène, après tant de courses poursuites et d’arrestations, après tant de jets de pierres et de sable, après tant de prières et de marches, après tant de procès et de condamnations, après tant d’accords et de décrets, il faut bien que nous guidions nos propres pas vers un processus collectif d’apprentissage qui rendrait possible le vivre-ensemble démocratique au Togo. Nous le ferons en réinventant notre propre diplomatie, celle de la décrispation avec nos véritables adversaires politiques, ceux et celles que l’on ne choisit pas toujours, et que le seul souci d’un autre Togo recommande fortement. Pourvu que la bonne foi y soit cette fois-ci!


Diplomatie Publique


Rédigé par psa le 01/09/2010 à 08:00
Tags : Décrispation Togo Notez