Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




C’est Jared Lee Loughner, 22 ans, et un passé de déséquilibré, qui tenait l’arme automatique. Il a visé d’abord la parlementaire, d’une balle à bout portant dans la tête. Puis il l’a retournée sur la petite foule qui entourait la représentante démocrate, dans le centre commercial de Tucson, en Arizona. Amenée à l’hôpital, Gabrielle Giffords lutte encore contre la mort. Mais six autres personnes, dont une enfant de 9 ans et un juge fédéral, n’ont pas survécu à la tuerie. Et il n’a fallu que quelques heures pour que les États-Unis, commotionnés par la violence de cet acte, s’interrogent à haute voix: qui est réellement à blâmer?


Christina Green Taylor, née le 11 septembre 2001, emportée par le fanatisme politique
Christina Green Taylor, née le 11 septembre 2001, emportée par le fanatisme politique

La petite Christina Green Taylor était née le 11 septembre 2001. Parmi d’autres bébés américains nés le même jour, son sourire de poupon apparaissait dans un livre qui voulait regrouper «les visages de l’espoir», pour tourner la page de cette tragédie. Mais samedi, la fillette est morte dans une nouvelle tragédie américaine, tombée sous les balles d’un jeune tueur fou, qui avait à peu près son âge en 2001, et qui a provoqué un carnage en Arizona, la Mecque du fanatisme étatsunien.

Un éternel recommencement? Un nouveau signe que la violence fait partie, à maints égards, des mœurs politiques américaines? Ou la preuve d’une dérive affolante, d’une atmosphère nationale empreinte désormais de «vitriol», pour reprendre le mot qui fleurissait ce week-end dans les commentaires liés au massacre?

Quel que soit le passé individuel du jeune tueur de Tucson, quelles que soient les noirceurs personnelles qui l’ont amené à passer à l’acte, les États-Unis ne pourront plus se voiler la face devant le niveau de haine qui entoure désormais leur débat politique. La liberté d’expression conjuguée à celle du port des armes à feu; la défense des droits individuels inscrite dans la tradition du western: le mouvement du Tea Party a contribué à transformer ce qui pouvait ne rester qu’un cirque politique en une dangereuse arène où rêvent de se produire fanatiques et déséquilibrés.

Armes à feu brandies dans les réunions, explosion du nombre de milices armées d’extrême droite (passées de 600 à 900 en une décennie), appel de certains responsables politiques à la «résistance armée» face à la «tyrannie» que représenterait le gouvernement de Washington… Les indices avant-coureurs étaient suffisamment nombreux qui annonçaient de graves «conséquences», comme le prophétisait elle-même la parlementaire de l’Arizona Gabrielle Giffords, aujourd’hui entre la vie et la mort.

Sarah Palin et les siens, c’est entendu, ne pourront plus continuer de faire de la politique comme ils pratiquent la chasse au caribou en Alaska. La tuerie de Tucson annoncera peut-être l’arrivée à maturité du Tea Party, voire son déclin inéluctable. Mais pour le «visage de l’espoir» de la petite Christina, c’est déjà trop tard. ////Luis Lema