Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Né en 1946 à Zurich, Marc Faber -un véritable écono-anarchiste, a obtenu un doctorat en économie à l’Université de Zurich à 23 ans : « Est-ce que le sauvetage des banques aux États-Unis a apporté quelque chose à l’économie? Non. (…) Il faut laisser les pays et les banques en difficulté faire faillite, même si la solution est douloureuse. (…) Les États-Unis ne méritent plus une note AAA


La Danse, Jean-Baptiste Carpeaux
La Danse, Jean-Baptiste Carpeaux
Surnommé Docteur Doom pour sa capacité à prévoir les catastrophes, ce soixantenaire charismatique et épicurien qui se décrit comme un anarchiste vit à Chang Mai en Thaïlande. Il voyage aux quatre coins du monde où il prodigue ses conseils aux financiers. Il a débuté sa carrière chez le courtier White Weld & Co à New York en 1970, avant d’être transféré dans une succursale à Hong Kong trois années plus tard. En 1980, il crée sa société, Marc Faber Limited. Au conseil d’administration de plusieurs hedge funds, Marc Faber aime observer les gens pour comprendre comment l’économie fonctionne. Célèbre pour sa lettre financière mensuelle intitulée «Gloom, Boom & Doom Report», Marc Faber a prédit avec justesse le krach boursier de 1987, la chute des actions japonaises deux années plus tard et la crise financière actuelle.


Le Temps: Les marchés ont dégringolé cette semaine. Comment analysez-vous la situation?
Marc Faber: Ils sont très survendus à court terme. Je m’attends à un rebond, puis à nouveau un ralentissement dès octobre ou novembre. Le S & P atteindra environ 1100 points [ndlr: il est vendredi à 1200 points]. Le troisième volet du programme d’assouplissement monétaire devrait ensuite être lancé [ndlr: dit «QE3»].


– Le dollar ne cesse de dégringoler. Anticipez-vous sa fin?
– Oui, j’ai toujours pensé que la valeur terminale du dollar était zéro, car le gouvernement, le Trésor et la Réserve fédérale n’ont aucun intérêt à maintenir un dollar fort. Depuis 1913, année de création de la Fed, le billet vert a perdu 97% de son pouvoir d’achat. Sur le long terme, il a été faible par rapport à la grande majorité des autres devises, tout comme la livre sterling. La fin du dollar ne se produira pas du jour au lendemain, elle sera graduelle.

– Croyez-vous aussi à la fin de l’euro?
– Je n’en ai aucune idée, car il s’agit d’une décision politique. Aussi longtemps que l’Allemagne a la volonté de soutenir la Banque centrale européenne et de financer le fonds de stabilité, l’euro survivra.


– Aux côtés de la Grèce figurent le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie. Devrait-on aussi laisser ces pays faire faillite comme vous le préconisiez avec la Grèce?
– Oui, même si cette solution est douloureuse. Cela ne me gêne pas que des assurances, des gouvernements et des banques ayant acheté des obligations de la Grèce perdent de l’argent. Si certains pays font faillite, ils entraîneront les banques avec eux. Mais laissons ces établissements faire défaut tout en protégeant les épargnants. Ce choix est nettement meilleur que de sauver les banques avec l’argent du contribuable et de se rendre compte deux années plus tard que les banquiers reçoivent des bonus record. Il faut punir les banquiers! Le secteur financier est devenu bien trop gros par rapport à l’économie réelle. À mon avis, le secteur financier doit s’occuper de garder l’épargne des gens et de la prêter à d’autres. Les banques ne devraient pas s’occuper de trading. Est-ce que le sauvetage des banques aux États-Unis a apporté quelque chose à l’économie? Non.

- Les républicains et les démocrates viennent de signer un accord sur le plafonnement de la dette. Les États-Unis sont-ils sortis d’affaire?
– Je ne crois pas vraiment qu’il s’agisse d’un accord. Les deux partis se sont entendus d’une certaine manière pour plafonner la dette, mais tous les détails de l’opération manquent. Le problème fondamental de la réduction des dépenses n’est pas pris en compte, puisque jusqu’en 2013, aucun changement n’est prévu. Les plus grandes dépenses de l’État que sont la sécurité sociale et les soins médicaux ne sont pas touchés. Par conséquent, la croissance de l’endettement des États-Unis subsiste. Si l’économie ralentit comme je le pense, le pays enregistrera l’an prochain un déficit fiscal de 1700 milliards de dollars. L’année suivante sera du même acabit et la dette gouvernementale, en proportion du produit intérieur brut, continuera de croître jusqu’au point où comme en Grèce, l’évaluation de la solvabilité du pays sera révisée à la baisse. Les États-Unis ne méritent plus une note AAA.

– Taxer davantage les riches, comme Warren Buffett le demande, n’aurait-ce pas été un bon moyen d’améliorer les finances des États-Unis?
– Durant les cent dernières années, le taux d’imposition des revenus s’est élevé à 18%. Aux États-Unis, on dit que l’imposition des riches est faible. Mais les personnes que je connais là-bas payent des impôts municipaux, de l’État et fédéraux. Au final, le taux d’imposition avoisine 50%, ce qui est élevé. En revanche, les entreprises ne payent pas suffisamment d’impôts, elles profitent des lacunes de la loi. General Electric ne paye quasiment pas d’impôts aux États-Unis. Microsoft et d’autres multinationales, ont recours à une armée d’avocats et de conseillers pour payer le moins d’impôts possible.

– Comment alors améliorer le système fiscal américain?
– Je suis favorable à l’abandon des incitations fiscales et à l’introduction d’un taux d’imposition unique – ou «flat tax» – de 15% ou 18%. Ainsi, tout le monde paye des impôts, riches comme pauvres. Pour les plus défavorisés, on peut prévoir une sorte d’exemption sur des revenus de 20 000 dollars. Mais aux États-Unis, ma proposition serait attaquée par les lobbies, comme les conseillers fiscaux et des avocats qui gagnent de l’argent grâce à la complexité du système. Ils n’ont aucun intérêt à l’introduction d’un taux unique d’imposition. Or, cela simplifierait la vie de tout le monde. Mais le problème principal des États-Unis n’est pas l’imposition. Si on comptabilise les engagements non tenus de tous les organismes détenus par l’État, l’endettement total rapporté au produit intérieur brut n’atteint pas 379%, mais 800%. Les États-Unis sont donc en faillite.


Mot à Maux


Rédigé par psa le 06/08/2011 à 08:48