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Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Que peut susciter une sainte alliance chiite, sinon un pacte sunnite? C’est un scenario des plus pessimistes qui se met en place en Irak : la guerre confessionnelle a atteint un niveau d’abrasement aussi rapide qu’inattendu et met en danger toute la region orientale. Les protégés des occidentaux n’ont pas du tout été à la hauteur de leurs promesses de stabiliser l’Irak post Saddam Hussein.


L’uniforme d’un militaire irakien est resté par terre, près de Mossoul, après la conquête de la ville par les djihadistes.
L’uniforme d’un militaire irakien est resté par terre, près de Mossoul, après la conquête de la ville par les djihadistes.
La prise de Mossoul et d’un immense territoire au nord de Bagdad par les djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) est un tsunami. L’onde de choc balaye les espoirs de voir l’Irak se stabiliser, et réduit à une peau de chagrin la perspective que la paix s’installe durablement dans toute la région. L’intolérance religieuse triomphe et les conséquences pourraient être terribles: la guerre civile en Irak, la poursuite du carnage en Syrie et une confrontation majeure entre chiites et sunnites.

Nouri al-Maliki, le premier ministre irakien, porte la lourde responsabilité d’avoir accru les tensions religieuses. Il a poursuivi la stratégie de mise à l’écart des sunnites, initiée par les forces d’occupation américaines avant qu’elles ne se rendent compte que cela menait à une impasse. Il a manqué, depuis son entrée en fonction en 2006, toutes les occasions de promouvoir la réconciliation nationale. Cette politique d’exclusion a fait le lit des djihadistes de l’EIIL, les héritiers d’Al-Qaida en Irak. Ces derniers n’auraient pu progresser si rapidement sans le soutien des tribus et d’une partie de la population.

En abandonnant une région gigantesque à la dépression économique, à la pauvreté et aux frustrations, Nouri al-Maliki a créé les conditions du désastre actuel. Et pour chasser les djihadistes hors de la maison, il ne s’est laissé d’autre option que de coaliser les chiites derrière lui, de quémander le soutien des dirigeants syriens et iraniens, qui se sont hâtés de le lui garantir. Mais que peut susciter une sainte alliance chiite, sinon un pacte sunnite?

L’élargissement de la fracture entre les frères ennemis de l’islam est une bénédiction pour l’EIIL, qui veut s’installer durablement dans l’espace laissé libre et espère voir son chimérique califat prospérer dans les décombres de la guerre, à cheval sur l’Irak et la Syrie. De riches cheikhs. Dans les monarchies du Golfe, voient avec bienveillance le djihad contre Bachar el-Assad en Syrie et Nouri al-Maliki en Irak. Ils ont délié les cordons de leur bourse et financé la guerre, en toute impunité.

Les solutions simples n’existent pas. Toutes passent par un dépassement des clivages confessionnels et par un rapprochement avec l’Iran. Barack Obama ne dit pas autre chose. Mais pourra-t-il convaincre Nouri al-Maliki d’abandonner sa politique discriminatoire? Seulement si une pression égale est exercée sur les monarques du Golfe, pour qu’ils fassent le ménage chez eux et tarissent les financements occultes du djihad.


Mot à Maux


Rédigé par psa le 14/06/2014 à 10:48