Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




À chaque élection correspond sa tromperie au Togo. Comme un vampire qui toujours mord dans la vie des citoyens, des élections au Togo arrivent encore à petits pas feutrés, discrètement et dangereusement. Le profil qui se distingue à l’horizon possède une ressemblance proche d’un avatar de consultations locales. Au Togo, tenter, essayer, risquer et même hasarder de choisir des maires –ces élus de proximité en berne depuis des dizaines d’années restent un pari de taille dans un pays où aucune élection n’est crédible. Toutefois, il ne faut rien concéder au pouvoir récalcitrant togolais, un pouvoir à l’imagination frauduleusement fertile. Versez tant d’hypocrisie politique sur le jour levant et « vous éteindrez le Soleil », disait d’ailleurs le vieux républicain Hugo.


Évitement Démocratique Togolais

Dans l’absurdité togolaise, il faut se préparer à aller aux élections locales, quelles que soient les conditions de leur organisation. Face à la déraison des tenants du pouvoir et à leur constante peur de le perdre si une seule élection venait à être crédible au Togo, et comme dans les plus nobles et durables combats, le fil d’or de la réalité togolaise est aussi devenu : « Non ultra civilem excedere pugna», c’est-à-dire « Plus jamais, ne délaisser le champ de la bataille politique ». La clairvoyance politique au Togo presse ainsi tout citoyen togolais, à devenir un véritable dramaturge afin que l’esprit même de la liberté ne se dessaisisse d’aucune de ses forces, afin que l’absence de démocratie n’isole le Togo et ne stigmatise ses ressortissants dans la sous-région et à travers le monde.

Dans un pays où l’évitement démocratique est systématiquement pratiqué par le pouvoir à travers les mêmes déguisements, l’opposition togolaise aura beau demander et le ciel, et l’enfer et l’entre-deux du purgatoire, aucune réforme ne lui sera octroyée. Sinon, comment expliquer que le ministre responsable d’un processus unilatéral de décentralisation et des élections locales équivoques, Gérard Payadowa Boukpessi, puisse malgré tout s’octroyer une promenade à Paris, sous le prétexte fallacieux de présenter ses reformes à la « Maison de l’Afrique » de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris. Il lui brûlait trop longtemps l’envie d’un bon séjour parisien au frais de la princesse; ce que ne donne pas toujours et aussi facilement le titre de ministre de l’Intérieur d’un Togo très peu exemplaire. Perpétuer une dictature n’est pas un honneur pour en faire la promotion.

En insistant davantage sur la dimension « Maison de l’Afrique », les non-initiés devraient être confondus par une dissimulation délibérément orchestrée : cette maison-tribune n’était autre chose qu’une vitrine de promotion des affaires économiques et commerciales. De plus, rien de cette escapade n’avait une prétention réellement politique ou de nature à informer une quelconque diaspora togolaise. Les gens d’affaires parisiens et les gestionnaires de la fameuse « Maison de l’Afrique » ont d’ailleurs fini par se demander pourquoi donc on leur forçait tant la main pour organiser une si curieuse rencontre avec le ministre de l’Intérieur togolais.

Le Minotaure, Pablo Picasso
Le Minotaure, Pablo Picasso
Peuple togolais avant partis politiques

Nuitamment transformée en rencontre avec la diaspora togolaise, la « Maison de l’Afrique » ne comprenait pas plus le rôle populaire et citoyen que l’on insistait à faire jouer à un Centre de promotion des affaires, même si c’est à tout frais payé. On comprend que le subterfuge royal ait capoté devant la désapprobation immense qui s’élevait aussi dans la diaspora togolaise face à l’insulte de servir de caution à la suspecte et subite familiarité du ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et des Collectivités locales, nommé à cette fonction pour sa capacité éprouvée à mener des trivialités... Une de plus!

Profondément, la diaspora togolaise est encore méritoire et louable malgré ses quelques receleurs, ces exilés des médailles et des reconnaissances loufoques qui s’y cachent pour commercer leur dignité. C’est mal servir le Togo que de brader aussi vilement les aspirations de son peuple, à l’extérieur comme de l’intérieur. Désormais, il faut imprimer une forte rigueur à la quête d’une évolution politique au Togo : la patrie et le peuple avant les partis et les partisans. Car, malgré ses seize siècles d’âge, les écrits de saint Augustin nous enseignent toujours que, même « les empires sans justice, ne sont que des ramas de brigands »; à plus forte raison une République sans démocratie. Et, lorsqu’il vous sera demandé pourquoi troublez-vous tant notre tranquillité, répondez : « Du même droit que vous troublez la nôtre et celle des millions de Togolaises et de Togolais! » Une seule bande d’amis dont les parcours et les parchemins sont même «intraçables» ne peuvent soumettre tant d’hommes et de femmes à la misère de l’indignité.

Le peuple togolais ne peut être aussi longtemps maintenu dans l’indécence de la promiscuité dictatoriale, au beau milieu d’un océan de démocraties africaines voisines. D’où qu’il s’exerce, le premier devoir de la citoyenneté togolaise est désormais là, ici, vivant : il est nécessaire que le souffle de l’épuisement du peuple togolais traverse enfin toutes les âmes républicaines où qu’elles se trouvent.

Le rêve démocratique togolais n’est nullement une illusion; c’est véritablement un devoir et une question de dignité humaine. Il y a désormais lieu d’en avoir la haute et vigilante conscience que cet objectif de réconciliation démocratique en vue du développement du Togo ne sera de tout repos. La complaisance jadis affichée, autant vis-à-vis des prétendus démocrates de tout acabit que des fossoyeurs internes à l’opposition républicaine, cette débonnaireté se doit d’être clairement délaissée et un clair tournant objectivement assumé. Le monde change; le Togo doit changer et sortir des malices politiques de l’évitement permanent de la démocratie. Il suffit de se libérer des « mauvais esprits », s’en écarter et voir tout autour du Togo pour s’en convaincre. Enfin!


Mot à Maux


le 12/04/2016 à 23:00
Tags : Démocratie Togo Éthique Notez



Les choses vont rondement bien au Bénin, juste à côté de nous, Togolaises et Togolais, à côté du pays où personne ne sait où l’on se dirige. Avec une détermination sans équivoque, tambours battant, canons tonnant, essentiellement devant son peuple plutôt qu’avec d’autres chefs d’État, Patrice Talon a prêté serment, prononcé court discours, formé gouvernement bien ramassé, et s’est mis au travail. Rien qu’à travers les termes clairs des dénominations ministérielles, on note un souci de cohésion et d’efficacité. Évidemment, Patrice Talon s’est donné une seule chance de faire l’unique mandat de sa première impression. L’Afrique a tant besoin de si bons exemples.


Le couple présidentiel à l'investiture de Patrice Talon
Le couple présidentiel à l'investiture de Patrice Talon

Deux fonctions de ministre d’État ressortent amplement pour soutenir la preuve, par compétence et professionnalisme, promise par le chef de l’État béninois. Ainsi, Pascal Koupaki retrouve un rôle de coordination au poste de Secrétaire général à la présidence de la République; une responsabilité de choix qu’il avait assumée aux côtés d’Alassane Dramane Ouattara au Fonds monétaire international à Washington et en tant que premier ministre présomptif de Boni Yayi pendant plusieurs années. Sans surprise ni confusion, Abdoulaye Bio Tchané, ancien directeur Afrique de la Banque mondiale est clairement responsable du plan et du développement du Bénin, un objectif vital.

À part la représentation féminine qui semble être étonnamment anémique –trois seulement sur vingt et une personnes, comme si le président Talon ne s’y était pas assez bien préparé, la conception même des différentes responsabilités ministérielles est concise et tellement millimétrée que les Lettres de mission devraient être claires pour chaque personne appelée à la tâche gouvernementale. Et tout cela vaut la peine de s’y arrêter :
1. Ministre d’État chargé du Développement : Abdoulaye Bio Tchané
2. Ministre d’État, Secrétaire général à la présidence de la République : Pascal Irénée Koupaki
3. Ministre de l’Intérieur :Sacca Lafia
4. Ministre délégué auprès du président de la République chargé de la Défense : Candide Azannaï
5. Ministre de la Justice : Joseph Djogbénou
6. Ministre des Sports : Oswald Homeky
7. Ministre des Finances : Romuald Wadagni
8. Ministre de la Santé : Seidou Allassane
9. Ministre de la Culture et du Tourisme : Ange Nkoué
10. Ministre de l’Agriculture : Delphin Koudandé
11. Ministre du Commerce et de l’Industrie : Lazare Séhouéto
12. Ministre des Affaires étrangères : Aurelien Agbénonci
13. Ministre de l’Enseignement primaire : Karimou Salimane
14. Ministre de l’Énergie : Jean-Claude Houssou
15. Ministre de la Communication et des Tic : Rafiatou Monrou
16. Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique : Marie-Odile Attanasso
17. Ministre des Enseignements secondaire, technique et de la Formation professionnelle : Lucien Kokou
18. Ministre de la Décentralisation et de la Gouvernance locale : Barnabé Dassigli
19. Ministre du Travail, de la Fonction publique et des Affaires sociales : Adidjatou Mathys
20. Ministre des Infrastructures et des Transports : Hervé Hehomey
21. Ministre du cadre de vie et du Développement durable : José Didier Tonato

La promesse de « Rupture » lors des élections autant que le « Nouveau Départ » dans la gouvernance ont aidé à balayer les lieux et faire de la place aussi bien aux anciens qu’aux jeunes loups pétris de compétences et de volonté. C’est le cas du tout nouveau ministre des Finances, Romuald Wadagni jusqu’à maintenant gestionnaire associé chez Deloitte France en service à Kinshasa, ou encore l’ingénieur Jean-Claude Houssou, nouveau ministre de l’Énergie et jusqu’alors au service d’Électricité de France (EDF) comme chef des projets « Accès à l'Énergie dans les pays en développement ». Et, Romuald Wadagni, Jean-Claude Houssou comme les « vieux jeunes » Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Koupaki sont bien connus au Togo et ailleurs.


Les poids lourds de l'équipe gouvernementale: Pascal Koupaki et Abdoulaye Bio Tchané
Les poids lourds de l'équipe gouvernementale: Pascal Koupaki et Abdoulaye Bio Tchané


Vision… Compétences… Atouts

Nul n’a donc besoin d’être Béninois pour exprimer sa satisfaction en ces moments où un chef d’État africain exprime clairement une vision, et met en place un dispositif approprié de gouvernance pour mettre en œuvre ses idées. Sans avoir commencé son mandat, Patrice Talon l’a déjà réussi : il connaît sa destination pour l'avoir énoncé clairement et publiquement; ainsi tous les vents ne peuvent que lui être favorables, car il saura les mettre au service de son engagement :
« Faisant avec vous le constat du parcours exceptionnel qui est le nôtre, je voudrais reconnaître et saluer l’ancrage démocratique du Bénin qui prouve ainsi, à nouveau, sa capacité à surmonter les défis qui se sont toujours présentés à lui. Cependant, au plan économique et social, ainsi que de la jouissance des libertés individuelles l’état des lieux n’est guère reluisant. L’urgence, est donc aux réformes politiques, à la restructuration de l’économie nationale, à la reconstitution du tissu social en redonnant confiance à nos citoyens et la restauration de la crédibilité de notre pays. Certes, la tâche paraît immense, mais ce n’est pas œuvre impossible si les actions à entreprendre s’appuient sur une vision claire ainsi que sur les compétences et les atouts dont nous disposons. C’est pourquoi je ferai de mon mandat unique, une exigence morale en exerçant le pouvoir d’état avec dignité et simplicité. Je m’acquitterai de mes devoirs de président de la République avec humilité, abnégation et sacrifice pour le bien-être de tous. De la nation, je garderai toujours présent à l’esprit la conviction qu’elle est une et indivisible, étant persuadé que notre pays ne sera fort que s’il reste uni. »

Nul n’a besoin d’être Béninois pour exprimer sa fierté. Qui plus, la confirmation d’un seul mandat dans le voisinage immédiat de l’incorrigible Togo où le cafouillage, la peur, la répression, le copinage, les illusions, les renoncements et les tergiversations sont la règle. Il n’y a aucun mal à être exigeants vis-à-vis de nos dirigeants. Surtout dans le cas particulier du Togo où le pouvoir est confisqué sans que son titulaire sache trop quoi en faire de potables et de constructifs?

Pour Patrice Talon, l’état politique du Bénin après les dix années cahoteuses de Boni Yayi –longtemps tenté par le changement de la Constitution, lui impose des reformes solides pour remettre la démocratie béninoise dans son siège exemplaire de leader. Faire un seul mandat et retourner à ses affaires participe de cette volonté de consolidation de la démocratie au Bénin. Patrice Talon ne s’y trompe nullement pas dans les premiers mots de son discours d’investiture.

Parce que la vérité politique est reine en ce Bénin qui se déploie sous nos yeux, ses résultats ne peuvent être que satisfaisants, ses acteurs revalorisés, ses critiques indulgentes, ses citoyens fiers contributeurs, ses reformes bienvenues, et l’éthique politique saluée. C’est ce que nous faisons! Un mandat, et chacun ramassera ses clics et ses claques pour aller voir ailleurs, retourner à ses moutons professionnels, ou encore donner une autre et respectable posture à ses ambitions politiques. Tout cela, tout cet exemple, juste à côté du Togo.


Ad Valorem


Rédigé par psa le 07/04/2016 à 17:50



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