Profil
Pierre S. Adjété
Pierre S. Adjété
Né à Lomé, PSA a fait ses études au Togo, au Gabon et au Canada. Économiste, administrateur et essayiste, PSA est un partisan assumé du «Grand Pardon» et un adepte de l’Éthique dans l’espace public; il est un acteur engagé dans des initiatives citoyennes et républicaines.




Poème politique, néanmoins épique et satirique


Il fait peur aux prétendus chefs des États francophones d'Afrique...
Il fait peur aux prétendus chefs des États francophones d'Afrique...
Ici Macron,
C’est le patron
Ou si l’on veut
Dites le colon
Je tiens le feu
Ou le bâton
Et la carotte
Tous sous ma botte
Je frappe dur
Soyez-en sûrs
Aimez la France
Dès maintenant
Ou je vous lance
Comme un scorpion
Mes feux brulants
Prenez l’exemple
Des tirailleurs
Comme dans un temple
Ici ailleurs
Adorez France
Puis faîtes silence
La Mère-Patrie
On sacrifie
Bien sûr pour elle
Des millions
De négrillons
Quand elle appelle
Soyez dociles
Pour être utiles
Francophobie ?
Qui vous l’inculque
France vous éduque
Des décennies
Et même des siècles
Pour la servir
Grands et petits
Mais aujourd’hui
Bien triste spectacle
Que de haïr
La Grande nation
Mais attention
Et qui s’agite ?
Je vous préviens
Maliens Tchadiens
Ou Nigériens
Un génocide
Pour nous vaut mieux…
Vous êtes précieux
Dans l’obéissance
À votre mère France
Sinon Rwanda
Vous l’apprendra
Ou encore tiens !
Les Ivoiriens



Qui tourbillonne
Je vous l’ordonne
La France exige
Que vous l’aimiez !
Ras-le-bol par-ci
Révolte par-là
Je suis celui
Qu’on n’embête pas
Le Président
D’un pays puissant
Qui ne tolère
Aucune rébellion
Sur une terre
De colonie
Indépendance ?
Mais qui défie
Le grand Macron ?
Pensez à De Gaulle
Qui ferma la gueule
A votre Sékou
Moi je secoue
Vos chefs d’État
Les mets au pas
Et s’ils disent non
Ils verront Macron
Suis-je arrogant ?
Arrogant comme…
Diraient certains
Simplement un homme
Puissant et grand
Qu’on respecte craint
On dit Macron
Mais qui répond ?
C’est Napoléon
Le vieux Code Noir
C’est le miroir
Toujours valable
Sous les tropiques
La même politique
Par Mitterrand
Ou par Giscard
Le grand Chirac
Roi des monarques
Même étendard
Que Sarkozy
Tout comme Hollande
Tous hommes choisis
Par France la grande
Pour un destin
Que l’homme africain
Doit à la fois
Pieusement nourrir
Même de son sang
Et sagement
Adorer, louer
Contribuer
Á agrandir
Quant aux roitelets
Nos vrais préfets…
Qui parle d’élections ?
Si nous avions
Dit que jamais
Dans ces pays nègres
Remplis de spectres
Il n’y aurait de paix
Que celle qu’on leur prête
Que France décrète
C’est plaisanterie
Que démocratie
Guerres et conflits
Rebelles djihadistes
Tous extrémistes
Durs opposants
Gouvernements
Qui est ami
Qui ennemi
Hier, aujourd’hui ?
C’est à tour de rôle
On les contrôle
C’est l’essentiel
Au moins au Sahel
Et qui qu’ils soient
C’est la même loi
Qu’on leur applique
Dans cette Afrique
On dit Mali
Mais Dieu m’élit
Pour vous sauver
Sinon crevez !
Tyrans têtus
Ou chefs élus
S’ils servent la France
Et sont soumis
Indépendance
Démocratie
Sont de simples mots
Anciens, nouveaux
Ils seront amis
Les circonstances
Négligent les problèmes
Que posent urnes pleines
Et pratique de violences
Démocratie
Ou tyrannie
Quelle différence
Aux yeux de France
Anti-Français ?
Jamais ! Jamais !
Je veux vos mines
Et France domine
Vous tient en main
Depuis Berlin
Le beau partage
Pour un monde sage
Lâchera pas prise
Qu’on se le dise
La France est fière
Des bases militaires
Qu’elle entretient
Aux temps anciens
Comme aujourd’hui
Fière, puissante oui
Qu’on dise de quoi ?
De beaux exploits !
Sans nous vanter
Pour s’y heurter…
Interrogez
Ceux qui ont tenté
Tous ont été
Éliminés
Toussaint Louverture
Et son cousin
Le roi Béhanzin
Lumumba
Et Sankara
Vous conteront
Leurs aventures
Demandez à Gbagbo
Ou Olympio
Sécessions guerres
Massacres entre frères
On vous en offrira
Pensez au Biafra
Et moi Macron
Je vous le dis
Je veux être obéi
La moindre bêtise
Si je veux j’arme
Boko haram
Ou je divise
Le Sud du Nord
Joue faible contre fort
Ou le contraire
Vaut mieux nous plaire
Tribu d’ici
Tribu de là
La France choisit
Et ses soldats
Font le pouvoir
Ou le défont
Allez donc voir
En Côte d’Ivoire…
Dans toute l’Afrique noire
Ou en Libye
Où France châtie
Je ne m’approche
D’un président
Que son suivant
Déjà en poche
Giscard le fit
En Centrafrique
Même tactique !
Il y eut grand bruit
Diamant oblige
Pas le sceptre
Cassé comme une tige
D’un empereur
Un enfant nègre
Petit dictateur
Rêvant Napoléon
Ici Macron


Sénouvo Agbota ZINSOU
Munich, Allemagne
●17 décembre 2019●



Diplomatie Publique


Rédigé par SAZ le 17/12/2019 à 07:52



On lui dit : le peuple pleure, pleure des peines dont il se plaignait déjà du temps de ton père, pleure de sa misère, du pain qu’il doit plonger dans le plus profond abîme pour attraper…
Il répond : Arrêtez ! Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !


"N'importe Quoi" de Julien Green
"N'importe Quoi" de Julien Green



Le peuple crie, le peuple pleure. Il crie et pleure. Pleure les blessures, les meurtrissures, les deuils faits et non encore faits, ou craints. Lui, oreilles et yeux fermés, il heurte brutalement plutôt qu’il ne répond :
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

On lui dit d’heure en heure, le peuple meurt. Ne cherche pas à le heurter davantage. Les horreurs accumulées durant le règne de ton père et durant ton règne dépassent la mesure humainement supportable, reviens à des valeurs. -C’est quoi, dit-il, valeurs ? Mon père a usé de terreurs pour être roi.
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

On se rapproche de lui, croyant pouvoir l’attendrir : partout dans ton royaume, dans toutes les murailles ou presque, des familles entières, les marmailles se plaignent du pain, de la vraie paix que tu leur as…
« Que je leur ai quoi ? Même si seul ici, je demeure, ceux qui n’acceptent pas mon règne dans toute sa grandeur, me verront à toute heure
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

Tu veux qu’on te dise pourquoi tu veux être empereur ?
Ce n’est pas seulement par crainte de ne pas être aux places d’honneur.
Mais tu mérites de subir le sort des malfaiteurs, de rendre compte de tout ce dont tu es débiteur. Tu en es conscient dans ton for intérieur. Et tu as fait voter des lois par des législateurs qui portent tes couleurs.
Il se tait, quelque peu songeur, puis clame crâneur :
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

On lui dit : Si on te garantit ton mil ou ton blé et même ton beurre que tu n’as jamais gagnés à la sueur de ton front, si on te rassure de tes heures de rendez-vous joyeux avec tes nombreuses maîtresses… Il secoue la tête, l’air boudeur.
Le peuple lui dit qu’il n’aperçoit aucune lueur d’espoir, que partout s’installe la laideur, surtout celle de beaucoup de cœurs, qu’il faut bien que cesse cette progression du malheur. Mais lui, d’un air moqueur répond :
- Ce qu’il faut arrêter, ce sont les marcheurs, empêcheurs de tourner en rond.
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

Comme les gens ne semblent pas le prendre au sérieux, goguenard, il clame : Mes adversaires croient-ils que par leur nombre grandissant, au pays et dans la diaspora, ils pourront constituer un rouleau compresseur qui renverserait et écraserait le mur mythique, complexe multiple, protecteur que mon père a érigé, puis moi après lui en un demi-siècle ?
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

Justement, lui dit-on, ce demi-siècle de douleurs pour la plupart de vos concitoyens, demi-siècle de terreur, demi-siècle d’horreur, demi-siècle diabolique inauguré par l’acte barbare d’un tirailleur…
- Quoi ? Vous insultez mon géniteur ? Vous l’appelez tirailleur et vous le traitez de tueur sanguinaire. Tirailleur, mon père ? Si vous donnez dans les insultes… ! Je sais qu’il était…
- Inculte ?
- Non ! Ce n’est pas cela que j’ai voulu dire. Bon ce sont les colonisateurs qui les ont baptisés tirailleurs, lui et ses compagnons pour rigoler un peu lorsqu’ils étaient de bonne humeur. C’est rigolo, non ?
- Aussi rigolo que lorsque dans une république un chef d’État, auteur intraitable de coups d’État répétés, trouve géniale la formule magique de se faire succéder par sa progéniture.
Mais, quoi que l’on dise, rigolo ou pas, il ne cesse de répéter, pour qu’on l’entende bien, usant d’un haut-parleur :
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !
- Mon père n’a jamais eu peur. Mon père est un héros. Ceux qui le défiaient risquaient gros. Les gens qui marchent et qui crient ne m’impressionnent guère.
- Tu es donc de la lignée de ton père ? Lignée alourdie par toutes sortes de laideurs
- Quoi que l’on dise, je me considère comme de sa lignée à cent pour cent. C’est pour cela que le royaume m’a été confié. Je le revendique volontiers. Si je suis menacé, je n’hésiterai pas à écraser ce peuple brailleur.
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !
- Ton père avait donc eu raison d’écraser ceux que tu appelles « brailleurs » !
- Les brailleurs, les marcheurs, les comploteurs, les déstabilisateurs, les fauteurs de troubles, les guerroyeurs, les planificateurs d’attentats, les rêveurs, les crieurs, les gêneurs…
- Euh…euh… Pense un peu à ce qu’on dira aujourd’hui ou demain de ton père et de toi. La même rime en « eur » ! Arracheurs de dents, de langues et de cœurs, buveurs de bouillie de chair humaine, broyée sous les chars et les tracteurs, briseurs de vie et de toutes les envies, arnaqueurs, accapareurs des terres, des propriétés, de marchés, créateurs de vide, camionneurs, convoyeurs de nos richesses du sol et du sous-sol aux prédateurs. Et les allumeurs…


L’affaire des incendies de marchés a pris une ampleur, telle que le prétendant empereur ne souhaite pas en parler. Surtout depuis que, par une erreur monumentale, ceux qui avaient l’habitude du montage vénal, avaient cru avoir trouvé le bouc émissaire idéal. Une révélation de ce dernier, innocent accusé et injustement emprisonné, dans un confessionnal, qui pour la conscience, vaut plus que tribunal ; on a les preuves sur les menteurs et sur les vrais auteurs. Il intervient, intempestif, non sans frayeur :
- Le confesseur, ce prêtre, pour moi, n’est plus en odeur…
- De sainteté, dis-tu ?
- Qui l’a élu ? Il fait partie des comploteurs !
- Monseigneur ?
- Quel seigneur ? Il y a d’autres seigneurs, je veux dire d’autres évêques. Et même le pape, lui empereur des catholiques du monde entier, lui Souverain Pontife qui me traite en Souverain. J’ai sa bénédiction et sa faveur.
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

- Ton père, pour être roi, a semé partout l’effroi, transformant en instrument d’horreur, ici objet de rejet, ce que l’on regarde avec respect, l’armée, corps de fierté et d’honneur ailleurs, en épouvantail synonyme de deuil…Si tu deviens empereur, ce sera donc dans un empire de terreur. Ou, avec ta bande au pouvoir, vous serez bradeurs d’empire. On vous sait déjà bonneteurs.
Il n’écoute presque plus rien de ce que disent ses concitoyens. Il ne supporte pas ce ton qu’il déclare accusateur.
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !

- Si ton père a été voleur, voudrais-tu être pilleur, braqueur ?
S’il a confondu hommes et bêtes sauvages, privilégiant ces dernières au détriment des premiers, tout au long de son règne aux actions meurtrières, voudrais-tu être coupeur de têtes, en tout le dépassant, surtout en actes sanglants ? N’as-tu pas juré d’être différent de lui et même meilleur ?
Il daigne répondre encore à ceux qui l’implorent de dégager pour mettre fin au danger qui guette le pays. Délirant, de toutes ces forces il crie
Mon père a été roi. Je rêve d’être empereur !



Sénouvo Agbota ZINSOU
Munich, Allemagne
●14 décembre 2019●


togo_roi_a_empereur.pdf Togo Roi à Empereur.pdf  (435.78 Ko)

Mot à Maux


Rédigé par SAZ le 14/12/2019 à 02:00



1 2 3